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fille de Paris, et celles qu’on a retrouvées récemment dans les catacombes, et sur lesquelles se voit le portrait de la Vierge, dessiné d’après nature par l’ordre de Publius Lentulus. Satan lui-même opère des merveilles ; on a compté, dans l’année qui vient de finir, quinze possédés à Toulon ; le 8 mai 1843, il s’est fait dans le diocèse de Metz un exorcisme magnifique, et M. l’abbé Frère, chanoine de Paris, a écrit un livre pour restituer au diable le mérite et le monopole des prodiges qu’on attribue au magnétisme. Quand les miracles manquent dans le pays, on va s’approvisionner au-delà des Alpes, car l’Italie est jeune et féconde encore pour les merveilles, et les saints la visitent à peu près comme les dieux la visitaient au temps du vieil Évandre. En 1842, dans l’église de Saint-André del Fratte, à Rome, la Vierge s’est montrée à un jeune Israélite, M. Ratisbonne, radieuse, souriante, et traits pour traits comme on la voit sur les médailles immaculées. Elle fit signe à M. Ratisbonne de se mettre à genoux devant elle : il obéit ; puis, par un signe nouveau, elle lui ordonna de se relever, et d’ennemi acharné du nom chrétien qu’il était auparavant, M. Ratisbonne se releva fervent catholique. Cette conversion, comme celle de M. Veuillot a été comparée à la conversion de saint Paul, et M. Walsh en a fait un livre. La même année, Mlle de Maistre, la petite-fille du comte Joseph, a été guérie d’une exostose au genou par l’application d’un portrait du révérend del Bufalo, fondateur de la société des prêtres du précieux sang. Le fait est attesté par les médecins qui ont visité le genou, et qui l’ont trouvé, après le miracle, droit, lisse et blanc. On cite encore, parmi les faits notoires, les angoisses de l’addolorata de Capriano, qui souffre tous les vendredis les douleurs de la passion et du crucifiement, et les extatiques du Tyrol, qui ont été visitées récemment par M. l’abbé Nicolas, membre de l’institut catholique de Lyon. On cite surtout sainte Philomène, la thaumaturge du dix-neuvième siècle, dont la vie, écrite par un prêtre italien, et traduite par un jésuite de Fribourg, est aujourd’hui en France à sa dixième édition[1]. Les reliques de cette sainte, déposées à Muguano opèrent de tels prodiges depuis quelques années, que le traducteur jésuite hésite à les raconter. « Les impies, se demande-t-il, diront peut-être que c’est une sorte de blasphème d’attribuer à la puissance divine de pareilles minuties ; » et il lève l’objection en ajoutant : « Pas plus qu’il ne l’est d’attribuer à Dieu la formation de ces petits insectes qui humilient l’orgueil et tourmentent la sensualité de l’homme. » Ici se trahit la pensée secrète : plus nous oserons, plus nous obtiendrons. — Il y a un grand nombre d’anté-christs dans le monde actuel, il faut les renverser : il faut surtout, à l’aide des miracles, terrasser le rationalisme. — Étrange erreur, de croire qu’on régnera sur l’avenir aux mêmes conditions que sur le passé ! étrange méthode, qui consiste à traiter le scepticisme par la superstition, comme dans la médecine, les contraires par les contraires ! Aux reproches souvent mérités d’into-

  1. La Thaumaturge du dix-neuvième siècle ; Lyon.