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L’ISTHME DE PANAMA.

d’une extrémité à l’autre sont distribués des volcans[1]. En résumé, abstraction faite des cimes qui la dominent, la chaîne a une élévation qui est rarement de moins de 2,000 mètres (une demi-lieue). Elle est épaisse et massive ; quelquefois, comme au Mexique, dans la Nouvelle-Grenade et au Pérou, elle se déploie en un immense plateau. Dans l’Amérique du Nord comme dans l’Amérique du Sud, on peut la considérer, sur le versant du Pacifique au moins, comme insurmontable pour toute voie de communication autre qu’une route ordinaire.

L’isthme de même est montagneux. Il offre des sommets ardus et d’innombrables volcans qui souvent ébranlent le sol, dévastent les cités, et ont motivé ce dicton sur l’admirable ville de Guatimala, bâtie dans la plus délicieuse vallée du monde, mais dominée par des volcans terribles d’une hauteur sans pareille[2] : qu’elle avait le paradis d’un côté et l’enfer de l’autre. Cependant l’observateur qui s’aventure dans ce dédale de montagnes et de collines reconnaît que là du moins la chaîne n’est point absolument continue. Sur quelques points, et pour de courts intervalles, elle a courbé la tête et laissé la place non-seulement à des gorges mais à quelques vallées transversales où pourrait être frayé un passage pour un canal ou pour un chemin de fer à pentes douces. Par un heureux hasard, la force souterraine qui, postérieurement à la formation du continent, souleva la longue chaîne des Andes, se trouva affaiblie dans l’isthme ; elle y exerça une action fort inégale, et y produisit des groupes montagneux distincts et séparés, et non plus une crête inflexible. Peut-être se divisa-t-elle pour appliquer une partie de sa puissance à faire surgir de la mer, à quelque distance de là, l’archipel des Antilles. Dans l’isthme, on trouve des cimes qui ne le cèdent pas au Mont-Blanc, le roi des Alpes ; cependant en plusieurs points, qui sont justement ceux désignés tout à l’heure, où l’isthme est le plus étroit,

  1. On trouve des volcans en Amérique non-seulement entre les tropiques, mais jusqu’aux deux extrémités. Le mont Saint-Élie, placé au terme habitable de l’Amérique du Nord, est un volcan. Plusieurs volcans sont plus au nord encore, dans l’Amérique russe. L’Amérique du Sud se termine par la Terre-de-Feu, ainsi nommée à cause de ses volcans.
  2. M. Thompson (Official visit to Guatimala, p. 239) fait remarquer que les volcans de Guatimala ont une élévation de 4,026 mètres au-dessus de leur base. Le Chimborazo est élevé de 6,530 mètres au-dessus de la mer ; mais, sa base étant de 2,902 mètres, il ne reste que 3,628 mètres pour la hauteur au-dessus de la base. Au Mexique, le Popocatepelt a 5,400 mètres au-dessus de la mer ; mais sa hauteur au-dessus de sa base n’en est que la moitié.