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représente dans cette école la production accélérée et infatigable, il se préoccupe avant tout du pittoresque, et le catholicisme n’est pour lui qu’un élément d’enluminure ; M. Capefigue s’inquiète peu de rechercher à travers les évènemens humains cette secrète pensée d’en haut qui fait mouvoir les hommes. Ce qui le charme dans la religion du moyen-âge, ce sont les belles chapes, les processions, les enfans de chœur, les orgues et les missels. On dirait qu’en feuilletant les vieux livres, il n’a pris de notes que dans les vignettes envermillonnées ; et, quand par hasard il fait de la science ecclésiastique, il enrichit le calendrier par des canonisations de fantaisie en dédoublant saint Germain-l’Auxerrois pour en faire un saint Germain d’Auxerre et un saint Germain de Paris. Dans la jeune école, parmi les hommes nouveaux, nous trouvons MM. de Riancey, fondateurs du Cercle catholique, qui ont pris pour criterium, dans leur Histoire universelle, les paradoxes les plus absolus de Joseph de Maistre ; M. Amédée Gabourd, qui procède de Marchangy en l’exagérant ; M. de Préo, qui écrit dans la Bibliothèque de la jeunesse chrétienne, sous la sauve-garde d’une approbation archiépiscopale, l’histoire des guerres civiles de la Vendée, pour enseigner aux jeunes gens « l’amour sacré de la religion et de la patrie » ; M. de Landine de Saint-Esprit, l’historiographe de la Bibliothèque catholique, qui a donné en moins de trois ans une série de dix-sept volumes, comprenant toute l’histoire de France et les Fastes du Christianisme. C’est une Babel, sans notes, sans dates, où les points d’exclamation et d’admiration remplacent les idées. Les titres des chapitres sont de véritables logogryphes ; l’histoire du moyen-âge est écrite d’après les manuscrits et les éditions xilographiques coordonnés avec les médailles, et l’histoire de Napoléon d’après la garde montante des Invalides. L’authenticité des faits de cette histoire repose sur la loyauté des vieux chevrons ; on y voit, entre autres, que Napoléon, au haut de sa renommée, s’est jeté en bas,… que les phases de son règne ont été l’orage des couronnes,… que l’anarchie est un arbre dont les boutons portent des greffes amères et que l’émeute est la garde montante de la terreur. » Les dix-sept volumes sont tous de ce style et de cette manière ; nous ne nous y arrêterons pas plus long-temps.

Voilà les autorités les plus importantes. Le chiffre se complète par quelques professeurs du haut enseignement universitaire, tels que M. Lenormant, qui a réhabilité en Sorbonne, à propos de la Saint-Barthélemy, la théorie des rigueurs salutaires, et c’est là une circonstance heureuse qui sauvera sans doute, par la réversibilité des mérites, quelques professeurs panthéistes. Du reste, la disette d’historiens est si grande, qu’on a eu recours ici, pour défendre la papauté, à l’Allemagne protestante, à MM. Hurter et Ranke, par exemple, en prenant soin toutefois, comme l’a fait M. de Saint-Chéron, de convertir certains passages du texte par des interpolations, des suppressions et des contre-sens, ou d’annoncer la prochaine abjuration des auteurs. Malgré ces précautions, on est arrivé à un travail sans valeur pour les catholiques,