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raient été consacrés d’une manière plus large que dans le projet primitif. À cela près, le projet aurait l’adhésion presque unanime de la commission. Tels sont les bruits sur l’exactitude desquels nous ne tarderons pas à être fixés, car l’illustre rapporteur déposera son travail au premier jour.

Au dehors, aucun évènement de quelque importance n’est venu modifier la situation générale. Les meilleurs esprits hésitent à hasarder des conjectures sur l’état actuel et l’avenir de la Péninsule. En Portugal, le baron de Bomfim poursuit le ministère à la tête d’une milice insurgée. Les questions de confiance et de portefeuille se résolvent dans ce triste pays à coups de fusil plutôt qu’à coups de boules, et l’insurrection militaire est l’un des ressorts réguliers du gouvernement représentatif. L’indifférence profonde du peuple et de l’armée pour les hommes qui leur font appel vient seule modifier cet état de choses en en prévenant les conséquences sanglantes. En Espagne, Marie-Christine voit commencer sa double responsabilité comme mère et comme reine gouvernante. Prêtera-t-elle le prestige de sa force morale et de son nom, en ce moment si populaire au ministère de M. Gonzalès-Bravo et au régime militaire organisé par le général Narvaez ? Quels hommes appellera-t-elle dans ses conseils, de quelles influences entourera-t-elle sa jeune et malheureuse fille ? Les personnes les plus en mesure de connaître l’opinion personnelle de Marie-Christine affirment que cette princesse a quitté la France sans parti pris, sans combinaison arrêtée, éprouvant le besoin de voir et de décider sur les lieux mêmes. On dit que M. Bresson réussit peu à Madrid, et que la froideur de ses habitudes allemandes ne s’assouplit pas aux mœurs espagnoles. L’ambassadeur de France comprendra bientôt sans doute que la première condition pour se concilier l’Espagne, c’est de se faire Espagnol et de paraître oublier le reste de l’Europe pour vivre de la vie péninsulaire. À ce prix seulement est l’influence. C’est ainsi que l’ont acquise tous les ministres étrangers qui ont laissé quelque trace de leur passage sur les bords du Manzanarès.

À l’autre extrémité de l’Europe méridionale, l’empire ottoman se débat dans l’anarchie, et le fanatisme musulman semble renaître à la vue des ruines qui croulent de toutes parts. Un conseiller stupide domine l’esprit du jeune Abdul-Medjid et le pousse à la cruauté par les soupçons qu’il lui inspire. Puisse au moins l’entente cordiale n’être pas inutile à Péra et contribuer au salut de quelques victimes ! On sait la déférence systématique de M. de Bourqueney pour sir Stratford Canning, et la situation effacée qu’il s’est faite à côté de l’ambassadeur d’Angleterre. Nous en souffririons moins comme Français, si ce bon accord pouvait épargner quelques gouttes de sang chrétien. Un agent courageux et dévoué à ses devoirs soutient à Bagdad une lutte persévérante contre la suprématie britannique et le fanatisme du vieux parti turc. Un autre consul défend à Jérusalem, au péril de ses jours, l’honneur de la France, en regrettant, dit-on, amèrement de n’avoir pu obtenir la permission d’y relever son drapeau. En Syrie et dans la montagne, l’absurde organisation combinée par l’Angleterre et par l’Autriche, le double gouvernement des Maronites et des Druzes sous deux caïmacans ennemis a produit la con-