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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

À l’origine même du siècle, le point de départ de cette ère nouvelle est marqué dans la politique par le concordat de 1801, dans la littérature par le Génie du christianisme, qui parut un an après le concordat. Retardé sous la restauration par l’appui même que lui prêtait le pouvoir, dans l’intérêt d’une politique qui se rejetait vers le passé, le mouvement religieux a pris, depuis 1830, un développement nouveau. On sait l’affluence qui se porte aux églises dans les grandes solennités, l’empressement du public à suivre les prédictions des orateurs chrétiens, le succès des cours de la faculté de théologie, et, s’il convient de faire une assez large part à la curiosité de la foule, il est juste aussi de reconnaître qu’auprès des oisifs et des curieux il y a les chrétiens sincères. Sans aucun doute, il faut attribuer la cause principale de ce mouvement à la séparation de la religion et de la politique opérée par la révolution de juillet, à la pensée, encourageante pour la foi sérieuse, que la liberté de conscience était acquise, et que le pouvoir ne spéculerait plus sur les croyances.

La renaissance des idées catholiques s’est produite dans la littérature par des manifestations diverses. Il a été fondé dans plusieurs villes, et sur le plan de la Société littéraire de l’université catholique de Louvain, des académies religieuses, qui se recrutent surtout parmi les jeunes gens, et qui ont pour but de discipliner aux mêmes doctrines les hommes qui s’occupent des travaux de l’esprit. Nous citerons à Paris le Cercle catholique, qui a été présidé par M. Rendu, conseiller de l’Université ; l’Institut catholique, qui est présidé par M. de Villeneuve-Bargemont ; la Société de Saint-Paul, qui publie, comme appendice de l’Univers, un recueil mensuel, la Revue de Saint-Paul, dont la mission est d’immoler, sans respect de la langue et des convenances, tous les écrivains qui ne se font pas les champions aveugles de l’intolérance ; à Lyon, l’Institut catholique, présidé par M. le cardinal de Bonald.

La propagande trouve des auxiliaires plus puissans encore dans les sociétés de bons livres, dans l’activité des imprimeries spéciales, dont quelques-unes sont même dirigées par des prêtres. En 1840, M. l’abbé Migne, ancien directeur de l’Univers religieux, fondait au Petit-Montrouge une imprimerie qui occupa dès la première année cent quarante ouvriers, et qui devait donner, par séries de publications successives, toute une encyclopédie catholique. Saint-Sulpice et Saint-Thomas d’Aquin ont aujourd’hui des bibliothèques paroissiales, et la presse religieuse semble lutter d’activité avec les presses des sociétés bibliques du protestantisme. Cette librairie, qui a résisté aux crises les plus graves, a pour principaux centres Paris, Lyon et Tours. Paris produit en général les grandes collections, les éditions de luxe, les Bibles ou les Évangiles illustrés ; Lyon, les éditions populaires et à bon marché. Voici à peu près pour toute la France, depuis 1835, le terme moyen des publications de chaque année, dans chaque genre :

Érudition et commentaires bibliques 
25
Catéchistes et sermonnaires 
50