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MOUVEMENT DES PEUPLES SLAVES.

lorsqu’un prêtre, nommé Sylvestre, tenta de le convertir. Il pénètre auprès du tsar, lui reproche ses crimes, lui ordonne de faire pénitence pour conjurer la colère de Dieu. Aux paroles du saint homme, Ivan fond en larmes, et s’écrie qu’il veut s’amender. Il prend Sylvestre pour confesseur, et donne la direction des affaires à un jeune boyard aussi distingué par sa piété que par ses talens, Adacheff, que les chroniqueurs regardent comme un ange descendu du ciel pour défendre le peuple. Pendant treize ans, le tsar fut un homme nouveau ; il se montra juste, bon, redoutable seulement aux ennemis de la Russie. Ce fut une époque de félicité et de gloire. Moscou n’avait jamais été plus heureux, et les Mongols perdirent les royaumes de Kasan et d’Astracan.

Après une grave maladie, un changement fâcheux se manifesta dans les dispositions d’Ivan : il se mit à fuir sa cour, à préférer la solitude, à montrer de l’aigreur à Sylvestre et à Adacheff. Il ne tarda pas à se débarrasser d’eux, et fit périr dans les tourmens les boyards dont la vertu l’incommodait. Bientôt, se plaignant d’être trahi, délaissé, il quitta Moscou et voulut résigner le gouvernement. Il se retira au milieu des forêts, dans son repaire d’Alexandrowski, écrivant de cette affreuse résidence qu’il abandonne ses perfides sujets à eux-mêmes. Le peuple, saisi de douleur, pleure, sanglotte, crie qu’on est perdu, que Moscou ne peut subsister sans maître. Les boyards et les prêtres se rendent auprès d’Ivan, se jettent à ses pieds, et le conjurent avec larmes de vouloir bien les châtier, de ne les pas épargner, mais de revenir et de défendre l’église contre les infidèles. Le tsar exige le droit de disposer de la vie et de la fortune de ses sujets sans plus entendre les intercessions du clergé. Il crée aussi un corps de légionnaires dont il fait sa garde, et leur donne pour insignes une tête de chien et un balai, parce qu’ils doivent mordre les ennemis du tsar et balayer la Russie. Il est impossible de dire le malheur des villes qui servaient de résidence à ces féroces satellites. Elles étaient complètement dévastées, et Moscou fut bientôt entouré de déserts.

Ivan chercha alors, à l’étonnement de tous, un saint homme pour l’évêché de Moscou. Dans une île sauvage de la mer Blanche vivait un moine nommé Philippe, célèbre par sa rigidité et sa science. Ivan le nomma métropolitain ; c’était pour le perdre. Dans une occasion solennelle, Philippe lui reprocha publiquement ses crimes. Ivan le fit tuer avec tous ses parens et ses amis, et ordonna un massacre général dans les villages qui leur appartenaient.

Ivan avait poursuivi de sa haine les boyards et le clergé : il lui restait à détruire les communes. Le tsar détestait les habitans de Nowgorod, de Tver, de Pskoff. Ces villes avaient depuis long-temps perdu leurs libertés ; mais il y avait, disait-on, des gens qui les regrettaient. Un misérable vint accuser les Nowgorodiens de vouloir livrer leur ville à la Pologne. Le tsar, sur cette absurde calomnie, se met en marche avec son infernale légion. Partout ses soldats mettaient à feu et à sang les villes et les villages qu’ils traversaient, et quand on demandait aux légionnaires pourquoi ils exterminaient des peuples paisibles, ils répondaient, comme les Mongols, que, l’expédition devant se faire