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DU CARTÉSIANISME ET DE L’ÉCLECTISME.

tésien. À peine indique-t-il les tendances exclusivement rationalistes de Descartes, ce qui est une notable omission, et il abonde tout-à-fait la doctrine du péché originel avec Malebranche et Pascal. Il imite les procédés du métaphysicien de l’Oratoire, qui aime à passer de la question de la grace à des problèmes de géométrie et de mathématiques. Si M. Bordas-Demoulin eût senti plus profondément le caractère absolu et inflexible du rationalisme de Descartes, il n’eût pas imaginé qu’on pût remplir les lacunes ou redresser les erreurs de ce rationalisme avec la manière de philosopher de Pascal. L’auteur des Méditations et l’auteur des Pensées marchent dans des voies trop opposées pour qu’on puisse songer à ménager entre eux, nous ne disons pas une réconciliation, mais une rencontre ; ils comprennent Dieu différemment, ils pensent de l’homme des choses contraires ; l’un exalte la raison avec une tranquille fierté, l’autre travaille à l’humilier avec un sombre désespoir ; Descartes enfin ignore et dédaigne la tradition, Pascal, après des révoltes douloureuses, s’y soumet.

L’ordre suivant lequel les questions se produisent dans le livre de Bordas-Demoulin pourrait être meilleur. Dans un travail consacré à l’auteur du Discours sur la Méthode, on était en droit d’attendre une génération des idées plus méthodique. Nous pouvons, après cette critique, rendre une justice éclatante à la partie de l’ouvrage de M. Demoulin consacrée à la physique et aux mathématiques. On comprendra que nous ne parlons pas ici de certains débats que M. Bordas-Demoulin ne craint pas d’instituer avec des hommes comme Laplace, M. Biot. Nous ne sommes pas juge de ces témérités. Nous louons l’exposition des travaux de Descartes en physique et en géométrie, parce que presque toujours elle est claire, accessible à tous les esprits, parfois écrite avec une admiration chaleureuse qui s’élève à l’éloquence. L’auteur réussit à donner à ses lecteurs cette conviction, que c’est bien Descartes qui a introduit l’idée réelle de la mécanique du monde dans l’esprit humain.

Nous ne saurions prendre congé de M. Bordas-Demoulin sans parler de quelques points qu’il nous donne pour des idées de génie. C’est aux mathématiciens de juger sa métaphysique du calcul différentiel, et sa prétention de présenter le premier la solution du problème posé par les principes de ce calcul. Puisse seulement son originalité en mathématiques se trouver de meilleur aloi que ses découvertes en philosophie ! Parlons un peu de la substance.

Jusqu’à présent, nous résumons ici la pensée de M.  Bordas-De-