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tème. Il a débuté par une philosophie négative qui devait le conduire à une philosophie positive. L’erreur de Hegel, toujours suivant M. Schelling, serait d’avoir pris pour un résultat définitif ce qui n’était qu’une préparation. M. Michelet s’élève avec chaleur contre de semblables prétentions. « Je défendrai, dit-il, le système de Schelling contre lui-même ; ce système ne saurait être considéré comme une capricieuse création de jeunesse ; il appartient à l’histoire de la philosophie, à la nation allemande ; il est la base du développement scientifique qui fait notre vie[1]. » Le disciple de Hegel montre avec amertume Schelling sorti des grandes directions de la philosophie pour tomber dans un mysticisme confus, et ayant renoncé depuis long-temps à rien publier, parce qu’il ne s’entend plus avec lui-même. Il semble que, pour éclater contre Schelling, on n’attendait que le signal donné par un professeur même de l’université de Berlin. On vit alors s’élever à l’horizon comme un essaim de réfutations et de critiques dont nous ne saurions songer à donner une indication même sommaire[2]. Cependant il est impossible de passer sous silence la publication du docteur Paulus, qui a si fort affligé Schelling. Avec Paulus reparaît dans l’arène ce rationalisme intraitable qui fit à Heidelberg, il y a plus de vingt ans, une si rude guerre à Creuzer et à Gœrres. Alors c’était Henri Voss qui dénonçait à l’Allemagne le mysticisme de ceux qui écrivaient l’histoire des religions sous l’inspiration de la philosophie mise au monde par Schelling. Aujourd’hui le vieil ami de Voss reprend les armes, et cette fois c’est pour combattre Schelling lui-même. Paulus nous rend les volumineuses discussions du moyen-âge. Dans un énorme volume de huit cents pages, il suit la pensée de Schelling depuis les premiers débuts du successeur de Fichte ; il apprécie le premier caractère de sa philosophie, les variations de son système ; il insiste sur les magnifiques promesses par lesquelles Schelling a ouvert son cours de 1841 ; il expose les idées actuelles du professeur, il le cite in extenso ; enfin il poursuit les principes du rival de Hegel dans toutes leurs applications[3]. La polémique de Paulus est aussi virulente que diffuse, et elle va presque jusqu’à l’injure. Le vieux rationaliste de Heidelberg

  1. Entwickelungsgeschichte, etc., p. 182
  2. Dans un de ces essais ayant pour titre : Beleuchtung der neuen Schellingschen Lehre, von Alexis Schmidt, Berlin, 1843, nous avons trouvé d’assez curieuses excursions sur le terrain de la théologie.
  3. Die endlich offenbar gewordene positive Philosophie der Offenbarung ; Darmstadt, 1843.