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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

puis long-temps dans la tombe de lord Eldon. Reste la jeune Angleterre pour qui le Quarterly Review affecte un injuste dédain, mais qui, très peu nombreuse dans la chambre et sans un programme encore bien arrêté, n’est certes pas en situation de prendre le pouvoir. La jeune Angleterre, d’ailleurs fort aristocrate dans ses habitudes et puseyiste dans ses croyances, blesse beaucoup de susceptibilités religieuses ou politiques, et suscite sur tous les bancs d’assez vives inimitiés. À vrai dire, dans la jeune Angleterre, un seul homme pouvait porter ombrage à sir Robert Peel, et se poser comme son rival ou comme son successeur, M. Gladstone, et c’est là le rôle que rêvaient pour lui bon nombre de ses amis. M. Gladstone, qui, en défendant l’an dernier le nouveau tarif avec un talent supérieur, s’était pleinement associé à la politique de sir Robert Peel, fait aujourd’hui partie du cabinet, et ne paraît pas disposé à courir de nouvelles chances.

Pas plus parmi les tories que parmi les whigs et les radicaux, on ne peut donc apercevoir en ce moment un danger sérieux pour le cabinet dont sir Robert Peel est le chef. Maintenant, est-il vrai, comme on le répète de temps en temps, que ce cabinet soit divisé, et que lord Stanley par exemple, le premier après sir Robert Peel, soit las du rang qu’il tient ? Est-il vrai que, pour en occuper un plus élevé, il conspire en secret contre son chef, soit avec ses anciens amis les whigs, soit avec les ultra-tories ? Pour qui connaît lord Stanley, c’est là une absurde, une indigne calomnie. Le jour où lord Stanley cesserait d’être d’accord avec sir Robert Peel, il ferait ce qu’il a fait en 1833. Il le dirait tout haut, à ses risques et périls, et reprendrait sa place sur les bancs de l’opposition. D’ailleurs, rien n’indique qu’une telle scission se prépare ; si elle devait arriver, ce serait peut-être le jour où sir Robert Peel, cédant à la nécessité, sacrifierait l’église d’Irlande. Ce jour-là, au reste, ce n’est point avec ses anciens amis que lord Stanley irait s’asseoir : c’est aux ultra-tories qu’il rendrait une tête, mais sans pouvoir leur rendre en même temps la vie qui les a quittés.

J’ai épuisé toutes les hypothèses, et il n’en est pas une qui ne me fasse croire à la durée du ministère Peel. Il est bien évident pourtant que des évènemens nouveaux peuvent survenir, et que je ne tiens pas compte de l’imprévu. Du reste, en Angleterre, on le sait, l’imprévu joue un bien plus petit rôle qu’en France, où presque toujours arrive le contraire de ce qui devrait arriver. En France, depuis quelques années surtout, les ministères vivent quand tout paraît les