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leur partie soit moins mauvaise que l’an dernier, ont encore beaucoup à faire oublier. Depuis une récente maladie, lord Melbourne paraît avoir renoncé à la direction du parti whig dans la chambre des lords, et il est remplacé par lord Lansdowne, un des hommes les meilleurs, les plus éclairés, les plus vraiment libéraux que possède l’Angleterre ; mais les whigs, que leur ancien ami lord Brougham a définitivement abandonnés, sont plus faibles que jamais dans la chambre des lords, où ils parviennent à peine à réunir, dans les grands jours, du quart au tiers des voix. À la chambre des communes, ils ont toujours pour chef lord John Russell, dont le noble caractère et l’esprit ferme et calme sont justement respectés de tous les partis ; mais, outre que les tories possèdent dans la chambre des communes une imposante majorité, les évènemens de la dernière session sont loin d’avoir renoué l’alliance des radicaux et des whigs. Or, sans cette alliance, l’opposition, divisée en petites fractions hostiles l’une à l’autre, est évidemment réduite à l’impuissance. Malgré son activité et son talent, qui gagne chaque jour, lord Palmerston d’ailleurs est et sera long-temps pour le parti whig un embarras et une difficulté grave. Écarter un homme de cette valeur comme on a écarté lord Brougham à une autre époque, c’est s’exposer à de dangereuses représailles et donner un exemple fâcheux. Lui rendre le ministère des affaires étrangères, c’est rentrer dans la politique tracassière, étourdie, qui a fait périr une armée dans les défilés de l’Afghanistan et failli allumer en Europe une guerre générale, dans cette politique que les radicaux détestent plus encore que les tories, et que, dans la dernière session, M. Roebuck caractérisa si plaisamment quand il compara lord Palmerston à une allumette chimique. Lord Palmerston, en 1840, a fait bien du mal à la France, mais, par un juste retour, il n’en a pas moins fait à son parti, et le souvenir de sa conduite à cette fatale époque s’élèvera long-temps contre lui comme un obstacle infranchissable. Il n’est pas un radical, pas un whig modéré, qui ne le sache et n’en gémisse.

Quoi qu’il en soit, un ministère vit autant de l’impuissance de ses ennemis que de sa propre puissance, et cette force négative, tout le monde en convient, est loin de manquer aujourd’hui au ministère tory. Quant au parti tory lui-même, il renferme certainement bien des mécontens, et de temps en temps il en sort de sourds murmures qui font croire à la révolte ; mais toute révolte a besoin d’un chef, et le chef n’y est pas. Le vieux parti tory, celui du duc de Buckingham, du colonel Sibthorp et de sir Robert Inglis, repose en paix de-