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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

côté. Quant à l’extérieur, l’Angleterre n’a jamais été plus puissante, et ce n’est point sous le ministère de sir Robert Peel qu’une feuille ministérielle en sera réduite aux aveux humilians qui, dans d’autres pays, paraissent si peu coûter. On dit, et peut-être on a raison, que sir Robert Peel appartient plutôt à la classe des hommes d’affaires qu’à celle de ces hommes d’état consommés dont lord Chatam, Pitt et Fox sont les types immortels. On ajoute que, plein de ressources, de dextérité et de sang-froid dans les temps ordinaires, il n’a pas en lui-même tout ce qu’il faut pour maîtriser les grands évènemens. Cela est possible, bien que rien encore ne le prouve ; mais si, aux qualités éminentes qu’il possède, sir Robert Peel joignait celles qu’on lui refuse, il surpasserait tous ses prédécesseurs. Chef d’opposition ou premier ministre, sir Robert Peel a du moins un double mérite qu’on ne saurait lui contester, celui d’apercevoir à propos quelles concessions les circonstances exigent, celui de les faire après les avoir aperçues, hardiment et sans hésitation.

Qu’on examine d’ailleurs de près la réaction dont on parle, et on verra que jusqu’ici elle n’a pas jeté de bien profondes racines. Au fond, sir Robert Peel est, sur la plupart des questions, plus libéral que son pays, et si l’Angleterre faisait un signe, c’est avec joie qu’il entrerait plus avant dans la voie féconde des réformes. Malheureusement il y a en Angleterre une force de résistance que le bruit de la presse et des meetings fait quelquefois oublier, mais qui se retrouve toujours. C’est cette force de résistance qui, tout en soutenant sir Robert Peel, lui fait souvent obstacle. Reste l’Irlande, où sa situation est loin d’être aussi bonne. Néanmoins, après la marche que suivent les évènemens, il est possible que toutes les combinaisons ordinaires s’évanouissent, et que la question se pose entre une répression énergique et une justice complète. Or, pour la répression énergique, sir Robert Peel, s’il y est contraint, peut compter en Angleterre sur une imposante majorité. Pour la justice complète, s’il venait à s’y décider, personne n’aurait plus de force et d’autorité. Malheureusement, jusqu’à présent, les radicaux seuls y inclinent. N’est-il pas possible pourtant qu’en présence d’un danger pressant, sir Robert Peel se souvint de 1829 ? Ce serait assurément le plus grand acte de sa vie et la plus belle réponse qu’il pût faire à ceux qui le déclarent frappé désormais d’impuissance et d’inertie.

Il est d’ailleurs une question qu’il faut bien s’adresser, et qui ne laisse pas d’être importante. Où sont les successeurs actuels de sir Robert Peel ? Les radicaux sont hors de cause, et les whigs, bien que