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métropolitaine, et qui comptait 9 pour 100 du nombre total des pauvres secourus, avait ainsi un contingent de malades égal à 17 pour 100. Il faut ajouter que plus les maladies avaient un caractère grave, et plus la proportion s’augmentait pour White-Chapel. Sur 5,692 cas de typhus, ce district en réunit 1,505 ; soit, 26 1/2 pour 100.

Voilà donc les conséquences de l’état effroyable dans lequel on laisse White-Chapel ; la fièvre y est aujourd’hui endémique, et y met tous les ans la population en coupe réglée. New-York a la fièvre jaune en permanence, le Caire la peste, Rome la malaria, et Londres le typhus. La négligence des hommes devient aussi meurtrière, par ses conséquences, dans la capitale de la Grande-Bretagne, que peuvent l’être sous le tropique l’effluve des eaux et le souffle des vents. « La chambre d’un malade attaqué de la fièvre, dit le docteur Smith, dans un appartement de Londres où l’air frais ne circule pas, est dans des conditions parfaitement semblables à celles d’un marais de l’Ethiopie où pourrissent des amas de sauterelles. Le poison qui s’engendre dans les deux cas est le même, et ne se distingue qu’au degré de puissance qu’il déploie. La nature, avec son soleil brûlant, avec ses vents languissans, avec ses marais putrides, manufacture la peste sur une immense et formidable échelle. La pauvreté, dans sa hutte, couverte de ses haillons, enveloppée de sa fange, s’efforçant d’écarter l’air pur et d’augmenter la chaleur, ne réussit que trop bien à imiter la nature. Le procédé est le même, ainsi que le produit ; il n’y a d’autre différence que la grandeur des résultats. »

On peut considérer White-Chapel, Bethnal-Green, et généralement les mauvais districts de l’est, en empruntant la belle expression du docteur Smith, comme l’atelier où s’élabore la fièvre. De là, elle gagne les quartiers voisins, et, se répandant ensuite jusque dans les larges rues et les rians squares que les riches habitent, elle y fait souvent une funeste moisson. L’intérêt personnel, à défaut de la charité, devrait donc suffire pour disposer les classes qui gouvernent l’Angleterre à supprimer ces foyers d’infection ; mais il paraît que l’épidémie n’a pas frappé encore des coups assez rudes : tant que les pauvres en seront les principales victimes, l’attention des riches aura de la peine à s’éveiller. En attendant, comme les quartiers infectés d’une manière permanente se trouvent en dehors du mouvement général de Londres, on les néglige et on les oublie. Les souffrances de leurs habitans ne sont guère connues que des officiers des paroisses et des médecins qui ont le courage de visiter les malades, souvent au péril de leur vie.