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pas dans Northumberland, pensez-vous que le cri de « rétablir l’heptarchie » fût aussi absurde qu’il l’est aujourd’hui ? » Or, personne ne peut nier sérieusement que cette situation anormale, injurieuse, n’existe pour l’Irlande. Que veut-on faire pour y remédier ? Voilà toute la question.

Dans l’état auquel plusieurs siècles d’injustice et d’oppression ont réduit l’Irlande, il s’y est développé, je le crains, des maux auxquels ni la législation la plus bienveillante ni le rappel de l’union ne pourraient remédier. Mais l’Irlande aussi a des griefs faciles à définir, faciles à saisir. J’en trouve la liste dans une adresse au peuple anglais, signée au mois d’août dernier par trente membres irlandais de la chambre des communes, adresse pleine de mesure et qui mérite la plus sérieuse attention. Après avoir établi que depuis bien des siècles l’Angleterre gouverne l’Irlande, et que sur l’Angleterre par conséquent pèse toute la responsabilité de l’état de choses actuel, voici comment s’expriment les trente signataires :

« Notre condition sociale est pleine d’élémens de discorde. Les rapports entre propriétaire et fermier, dérangés comme ils l’ont été par une législation vicieuse, manquent de cette confiance mutuelle qui est si essentielle au développement d’une industrie productive. La population ouvrière, incapable de trouver du travail, vit sur la dernière limite de la plus extrême pauvreté. Malgré notre union avec une nation qui se vante d’être la plus éclairée, la plus puissante du monde, notre commerce, nos manufactures, nos pêcheries, nos mines, notre agriculture, attestent, par leur situation languissante et négligée, les effets désastreux d’un mauvais gouvernement.

« Un établissement ecclésiastique est maintenu à grands frais pour l’avantage exclusif d’un dixième de la nation. Notre représentation dans la législature est injustement hors de toute proportion avec la population et la richesse de l’Irlande. Nos franchises parlementaires sont insuffisantes pour assurer la représentation exacte des opinions et des intérêts de la masse de la nation. Nos droits municipaux sont plus restreints que les vôtres. Toutes nos libertés sont limitées par des restrictions inutiles et irritantes. L’épuisement financier qui résulte de l’absentéisme est aggravé par la manière dont le produit des impôts est appliqué. Un esprit d’exclusion anti-catholique et anti-irlandais préside à la distribution des emplois officiels. Nos besoins locaux ne sont pas sérieusement pris en considération dans le parlement impérial. Cependant nos institutions fiscales et administratives nous refusent le moyen de faire nous-mêmes nos affaires locales.