Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/877

Cette page a été validée par deux contributeurs.
871
LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

tobre dernier : « Si l’on voulait faire apparaître dans ce grand théâtre le mal affreux que fait la loi des céréales, ce n’est pas une assemblée comme celle-ci qu’il faudrait rassembler. Il faudrait pénétrer dans les ruelles et dans les allées, dans les greniers et dans les caves de cette immense métropole ; il faudrait en tirer, pâles et déguenillés, leurs misérables et faméliques habitans. Oh ! nous pourrions tout remplir ici, loges, parterre, galeries, de leurs formes amaigries et rachitiques, de leurs joues livides et creuses, de leurs regards ternes et fixes, et où peut-être brillent d’un sombre éclat les plus violentes passions. Nous pourrions ainsi montrer un spectacle qui glacerait d’effroi les cœurs les plus courageux et amollirait les plus durs, un spectacle que nous ferions voir au premier ministre du pays en lui disant : « Regarde, délégué de sa majesté, chef des législateurs, conservateur des institutions, regarde cette masse de misères ; voilà ce que tes lois, ton pouvoir, s’ils n’en sont pas les auteurs, n’ont su ni empêcher, ni guérir. » Et s’il objectait qu’il y a toujours eu de la pauvreté dans le monde : « Hypocrite, lui répondrions-nous, avant de parler ainsi, brise les chaînes de l’industrie, ôte de la coupe de la pauvreté la dernière goutte de poison du monopole, rends au travail le plein exercice de tous ses droits, et si la pauvreté persiste ensuite, dis que ce n’est pas ta faute. » — Est-il besoin d’ajouter qu’au théâtre de Covent-Garden, ces paroles, d’une éloquence assez digne du lieu, furent couvertes d’applaudissemens ?

Dans la même séance, que présidaient le comité et les membres principaux de la ligue, M. Cobden fit un discours moins emphatique, mais plus concluant. Ainsi il commença par rendre compte des travaux et des dépenses de la ligue jusqu’à ce jour. De ce compte il résulte que, depuis le dernier appel, les souscriptions ont monté à 50,290 livres et la dépense à 47,814. Moyennant cette somme, la ligue a distribué des pamphlets dans 26 comtés contenant 300,000 électeurs, et dans 187 bourgs en contenant 400,000. Elle a entretenu 500 agens qui ont visité tous ces électeurs et leur ont remis les pamphlets. Quatre millions de pamphlets enfin ont été répandus parmi les non-électeurs, de sorte que le nombre total des pamphlets distribués par la ligue est de 9 millions, pesant ensemble 100 tonnes. De plus, M. Cobden a tenu des meetings dans 26 comtés, et tous, excepté un seul, celui d’Huntingdon, se sont prononcés pour la liberté du commerce. Des députations ont en outre été envoyées à 156 meetings, et une correspondance active a été entretenue. Mais tout cela ne suffit pas, et la ligue veut pousser plus loin ses efforts