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consommateurs et les fermiers eux-mêmes pour remplir leurs poches ! » Qu’on suppose cet orateur s’écriant : « Je ne veux pas supprimer vos rentes ; je veux que vous ayez des rentes, mais ne venez pas les augmenter ici aux dépens du pays ! » Qu’on le suppose enfin faisant un appel brûlant à toutes les misères, et déclarant que, « grace à la loi oppressive récemment votée par les chambres, sept à huit millions d’hommes sont sans pain et vont mourir de faim ! » Croit-on qu’un tel langage fût paisiblement écouté ? Voilà pourtant ce que, grace l’admirable liberté de parole qui existe en Angleterre, une assemblée fort aristocratique entendit sans se plaindre, lors du débat sur la motion Villiers.

Si la ligue n’est pas encore puissante dans le parlement, elle tend au reste à le devenir, et dans les élections partielles qui ont eu lieu depuis quelques mois, ses succès ont été grands. Ainsi, à Durham, un membre tory a été remplacé par M. Bright, quaker et lieutenant de M. Cobden. À Londres, le candidat de l’opposition, M. Pattison, n’a pas hésité à arborer ouvertement le drapeau de la ligue, qui ouvertement aussi lui a prêté son appui, et M. Pattison l’a emporté sur son compétiteur, M. Baring, de près de 200 voix (6532 contre 6367). À Kendal, la ligue a pris sous sa protection et fait rentrer dans le parlement. M. Warburton. À Salisbury enfin, forteresse de l’anglicanisme et de l’agriculture, son candidat, M. Bouverie, n’a échoué que de 47 voix. Toutefois, ce qui est plus caractéristique encore, c’est la déclaration de lord Spencer, jadis lord Althorp, qui, sorti de la vie politique en 1834, au moment de la chute du premier ministère Melbourne, vient d’y rentrer en se prononçant formellement contre tout droit sur les céréales. Il n’est pas d’homme, on le sait, qui de 1830 à 1834, ait joui de plus de considération et de plus d’autorité dans la chambre des communes. Son adhésion sinon à la ligue, du moins aux doctrines qu’elle professe, est donc un évènement.

Depuis deux mois, d’ailleurs, les meetings locaux et partiels n’ont plus suffi à l’ardeur de M. Cobden, et, comme O’Connell encore, en revenant de pérorer dans les comtés, il a voulu trouver au centre même un meeting qui fût en quelque sorte la tête de tous les autres. Le théâtre de Covent-Garden a donc été loué par la ligue, et de temps à autre il s’y donne, en présence d’un immense auditoire, des représentations solennelles. Les premiers sujets sont toujours M. Cobden et après lui M. Bright ; mais il y a aussi des débutans qui promettent, et qui, si on les laisse faire, iront loin. Voici, par exemple, quelques passages d’un discours prononcé par M. Fox au mois d’oc-