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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

établie. Ils commencèrent donc à se récrier, et, dès la seconde lecture du bill, M. Hawes, M. Hume, M. Cobden, déclarèrent en leur nom que le bill constituait la prépondérance anglicane, et qu’ils ne pouvaient l’accepter. Après la vacance de Pâques, ce fut bien pis. Avec l’ardeur et l’activité que donne la foi religieuse, les dissidens surent en quinze jours organiser une opposition formidable et préparer plusieurs milliers de pétitions revêtues de 2,015,607 signatures. Il y eut à Leeds seulement 50 pétitions dont une portait 22,000 signatures. Il y en eut dans le Lincolnshire 369 avec 132,000 signatures. À Londres, en trois jours, une pétition fut signée par 20,994 jeunes gens. À Liverpool, il y eut 2 pétitions, l’une pour le bill avec 6,700 signatures, l’autre contre avec 20,000. Ce fut en un mot un des plus grands mouvemens de ce genre qui se fussent jamais vus. Aussi, le jour où le bill dut être repris en comité, l’antichambre (the lobby) de la salle des séances et la salle elle-même présentaient-elles le plus étrange spectacle. L’antichambre était encombrée de ballots apportés par des portefaix, et à chaque instant un membre nouveau entrait dans la salle traînant après lui des liasses énormes et s’asseyant à côté ou dessus pour attendre son tour. À lui seul, M. Hawes présenta 500 pétitions, et M. Hindley 500. À son tour, sir Robert Inglis en apporta une du clergé de Ripon, pour demander que le bill maintînt bien évidemment la suprématie de l’église ; mais ce fut la seule dans ce sens.

En présence d’une telle opposition, le ministère ne pouvait maintenir son projet. Il essaya de le modifier et de satisfaire aux principales réclamations des dissidens. Sir James Graham proposa dans ce but plusieurs clauses nouvelles pour consacrer plus nettement le droit des dissidens et des catholiques, soit d’envoyer leurs enfans à d’autres écoles, soit de leur faire donner à part l’instruction religieuse. Il modifia aussi la commission de surveillance en ce sens qu’elle dut se composer, 1o du pasteur, 2o d’un commissaire choisi par lui, 3o d’un commissaire choisi par les souscripteurs, 4o de quatre commissaires nommés par tous ceux qui paient les taxes paroissiales, chacun mettant deux noms seulement sur son bulletin, afin que la minorité fût représentée. Sir James Graham termina en faisant un appel éloquent à l’union et à la tolérance. « Ferons-nous dire aux païens, s’écria-t-il, voyez comme ces chrétiens se détestent et se méprisent mutuellement ? Le gouvernement présente la branche d’olivier. Une législature chrétienne la repoussera-t-elle ? »

C’étaient, lord John Russell en convint, un beau langage et de