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passa sans division. Ainsi lord Ashburton dut à lord Palmerston un honneur qui jamais n’avait été accordé à aucun négociateur. Telle fut l’issue de la seconde et dernière campagne de lord Palmerston contre sir Robert Peel.

Pour en finir avec le traité Ashburton, il faut dire qu’en définitive ce traité, malgré ses imperfections, paraît avoir notablement diminué, si ce n’est supprimé, les causes d’irritation qui existaient entre l’Angleterre et les États-Unis. Les propositions sur l’Oregon n’ont été admises par aucune des deux chambres, et sur l’affaire du droit de visite, bien qu’en principe on soit aussi loin de s’entendre que jamais, il semble qu’en fait on tende des deux côtés à se rapprocher. Ainsi l’Angleterre d’une part reconnaît que, « lorsqu’il ne s’agit pas de piraterie, la visite n’est pas de droit rigoureux, et ne doit avoir lieu que sur de sérieuses apparences et avec beaucoup de réserve. » Les États-Unis déclarent d’autre part que « Si un officier anglais, sur de graves soupçons, aborde un navire américain, lui demande ses papiers avec convenance, et se retire dès que la nationalité est constatée, cet officier outrepasse ses pouvoirs, mais sans qu’un gouvernement raisonnable puisse songer à s’en plaindre. » Dans cette limite, le débat est réduit à des termes bien étroits, et la question peut dormir long-temps en paix.

Il est un autre traité de visite qui, l’an dernier, menaçait de donner quelques embarras à sir Robert Peel, le traité avec la France. On sait en effet que le ministre des affaires étrangères français, pressé par l’opinion publique, avait en définitive refusé de ratifier son propre traité, et que cet acte inusité ne paraissait pas devoir suffire aux deux chambres. Derrière le nouveau traité, désormais sans valeur, apparaissait l’ancien encore plein de vie, et le premier vote du parlement devait être, disait-on, mortel à celui-ci comme à l’autre. Heureusement pour le cabinet anglais, il se trouva en France des députés clairvoyans qui imaginèrent qu’on pouvait condamner une politique et maintenir au pouvoir les ministres pour qui cette politique était excellente de tout point. Frappant d’une main ceux qu’ils sauvaient de l’autre, ces députés firent donc prévaloir dans la chambre une rédaction qui se prêtait à toutes les interprétations. Aussi, le jour où ce singulier vote fut connu à Londres, l’hilarité y fut-elle grande et générale. « Voilà, s’écrièrent d’un commun accord les journaux de toutes les couleurs, voilà où ont abouti tant d’ébullition patriotique et de si beaux discours ! Comme lors des 25 millions refusés d’abord, puis payés dès que les États-Unis ont menacé, on a fait beaucoup de