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REVUE LITTÉRAIRE.

LES DERNIERS ROMANS
De M. de Balzac et de M. Frédéric Soulié.

L’histoire des genres en littérature a des hasards étranges, d’inexplicables destinées : rien, par exemple, semble-t-il plus naturel, plus facilement accessible, dès l’abord, dès le début de toute culture intellectuelle, que la forme du roman ? Elle se prête à tout, aux inventions les plus simples comme aux fables les plus compliquées, à l’expression élégiaque des sentimens comme aux plus dramatiques émotions, aux satires de l’esprit observateur comme aux caprices de la fantaisie ; on dirait qu’elle se présente d’elle-même. En apparence, c’est le cadre le plus aisé : chacun l’a sous la main. Écrire les évènemens qu’on a vus, c’est se faire historien ; écrire les évènemens qu’on a rêvés, c’est être romancier. L’histoire pourtant ne se rencontre guère au commencement des littératures, et le roman à son tour est un produit extrêmement tardif des civilisations les plus avancées, un genre tout nouveau, qui a conquis, seulement depuis deux siècles, le rang éminent que des œuvres comme celles de Cervantes et de Le Sage lui assignent désormais dans l’ordre des compositions de l’esprit. Le drame et le poème sont presque aussi vieux que le monde : avec l’épopée, vous avez aussitôt Homère ; avec le théâtre, vous touchez à Sophocle : là, les chefs-d’œuvre se rencontrent dès le premier pas ; la gloire du roman, au contraire, est une gloire d’hier.

Qu’on trouve un essai de roman dans l’Odyssée, qu’on disserte sans fin sur