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ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

la traite qui se fait, avec un redoublement d’activité, sous le pavillon brésilien ou portugais. Quant au commerce des denrées coloniales, auquel cette ville prit part par la force des choses, il est resté à peu près stationnaire depuis trente ans[1], et roule, en y comprenant le thé, sur une valeur annuelle de 90 à 100 millions.

Des rapports stationnaires sont par compensation des rapports solides. Liverpool ne raffine pas, comme Londres, pour l’exportation, et n’approvisionne que les villes de l’intérieur qui rayonnent autour d’elle ; le commerce du sucre y est ainsi beaucoup moins affecté par les variations des cours. Joignez à cela que les planteurs des Indes occidentales, ayant été indemnisés par le parlement pour prix de l’émancipation de leurs esclaves, ont pu rembourser leurs créanciers dans les ports de mer, et que ceux-ci, ayant recouvré les avances faites aux producteurs, sont aujourd’hui dans une bien meilleure position pour accorder du crédit au consommateur.

Le commerce du sucre, qui est déjà une branche importante du trafic extérieur, paraît cependant susceptible d’un grand accroissement. En effet, bien que la consommation de cet article soit aujourd’hui, à peu de chose près, ce qu’elle était il y a douze ans, elle se trouve avoir réellement diminué, si l’on tient compte du mouvement de la population. En 1831, la proportion était de 20 liv. 11/100 par tête ; elle n’était plus en 1840 que de 15 liv. 28/100, et ne s’est pas relevée depuis. Cette réduction dans les quantités consommées tient à la cherté du sucre. Les colonies anglaises ont le monopole du marché métropolitain, où un droit différentiel de 39 shillings par quintal, droit qui équivaut à la prohibition la plus absolue, les protége contre la concurrence du sucre étranger[2]. Il en résulte que, dans les années où la récolte est mauvaise aux Antilles, et où les quantités produites sont inférieures aux besoins de la consommation, le prix du sucre colonial s’élève en Angleterre jusqu’au taux qui limite l’importation du sucre étranger. Par contre, la cherté de cette denrée en restreint l’usage. Lorsque la consommation était de 20 livres par tête, le quintal en entrepôt valait 23 shillings ; pour la réduire à 15 livres par tête, il a fallu le prix exagéré de 49 shillings par quintal.

En attendant que l’Angleterre ouvre ses ports aux sucres du Brésil et de Cuba, comme le voulait le ministère whig, une véritable

  1. Enquête de 1833 sur le commerce ; interrogatoire de M. J. Ewart.
  2. Le droit sur le sucre colonial est en Angleterre de 24 shillings par quintal, et le droit sur le sucre étranger de 63 shillings. Le ministère Melbourne avait proposé de réduire la taxe du sucre étranger à 34 shillings.