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WHITE-CHAPEL.

onéreux. Autour de ces vastes entrepôts vivent les matelots, les manœuvres, les portefaix, les camionneurs, les instrumens du transport. Un peu plus haut est la Cité, le cœur de Londres, le comptoir de l’Angleterre, le centre des affaires et le siége du crédit. C’est la que les négocians se donnent rendez-vous et qu’ils ont sous la main les grandes institutions du pays, la banque, la bourse, la monnaie, la douane, la poste, l’excise, la corporation municipale, les tribunaux et les prisons ; mais ils n’habitent pas ce lieu de passage, et le reflux de chaque soir ramène ceux que le flux du matin avait apportés. Plus loin encore, vous rencontrez les rues où brillent les magasins de luxe, telles que le Strand, Piccadilly, Pall-Mall, Regent’s-Street, le quartier des théâtres, des musées, des modes, des hôtelleries, des filles de joie et des filous, terminé par l’espèce d’oasis parlementaire que forment les clubs, le palais à demi construit des chambres, les administrations réunies à White-Hall, et le vieux palais de Saint-James, où ne daigne plus loger la royauté. Enfin, au-delà est la ville aristocratique, le monde par excellence, le seul quartier que l’on puisse habiter, le West-End. Le quartier fashionable était limité, il y a quelques années, au nord par le parc du Régent, à l’ouest par Hyde-Park, et au sud par le parc de Saint-James. Aujourd’hui, il s’accroît chaque année avec une rapidité prodigieuse : les marais et les terrains vagues se convertissent en rues et en places publiques ; les plans sont à peine dressés, que les maisons sortent de dessous terre, et les maisons à peine construites trouvent aussitôt des locataires ou des acheteurs. On dirait que les riches s’y multiplient comme ailleurs les pauvres. Si la manufacture que vient d’établir un hardi spéculateur, M. Cubitt, pour fabriquer quatre mille maisons aux abords du pont du Wauxhall, obtient le succès qu’il s’en est promis, le quartier fashionable couvrira bientôt tout l’espace qui s’étend à l’ouest de Londres, entre la Tamise et le canal du Régent, sur une profondeur d’à peu près deux lieues.

Ainsi la ville des docks et des entrepôts, la ville des affaires, la ville des plaisirs et des transactions politiques, la ville du monde fashionable, voilà de quoi se compose cette gigantesque agrégation, ce Mammouth du XIXe siècle. À ses deux extrémités et sur ses flancs, le monstre a de nombreuses dépendances ; il suffit de citer Greenwich, Southwark, Chelsea et les faubourgs du nord-est. Mais toutes ces branches partent du tronc et viennent y puiser la vie. La puissance qui gouverne l’Angleterre réside à un bout de Londres ; les résultats