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Toulouse était alors la ville catholique par excellence. L’inquisition, que tout le reste de la France avait repoussée, y était établie, et un zèle outré était à la mode. Bientôt les opinions de Vanini, indiscrètement répandues, excitèrent les ombrages de l’autorité. On l’arrête, on le traduit devant le parlement, et après une assez longue procédure il est condamné à être brûlé vif, et l’horrible sentence est exécutée le 9 février 1619.

Divisons en trois parties et comme en trois actes ce drame lugubre : le procès, la sentence, l’exécution.

I. — le procès.

Sur quoi porta précisément le procès ? Les livres de Vanini furent-ils incriminés, ou ses leçons, ou ses mœurs, ou tout cela ensemble ? C’est ici surtout qu’il faut écarter les conjectures arbitraires, les anecdotes qui ne reposent sur aucun fondement, et tous ces bruits mensongers que mêle à la vérité l’imagination populaire ou une malveillance intéressée, et qui, accueillis et répandus par la crédulité, finissent au bout de quelque temps par composer la tradition et l’histoire. Nul document authentique n’ayant été publié, réduits à des témoignages qui souvent diffèrent, c’est un devoir étroit de les peser avec le dernier soin. Peut-on ajouter foi aux récits du jésuite Garasse[1] et du minime Mersenne[2], qui écrivaient, il est vrai, à peu de distance de l’évènement, mais qui n’y avaient point assisté, et ne répètent que des ouï-dire, très probablement les ouï-dire de leurs confrères de Toulouse, ennemis nécessaires de Vanini ? Eux-mêmes, s’ils ne manquent pas de lumières, ils sont remplis de passion, et ils servent d’échos aux passions de leur ordre. Leur but avoué était d’effrayer le monde des progrès de l’athéisme. Pour eux, l’impie est un monstre sur lequel ils ne se font point scrupule d’accueillir les

  1. Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou prétendus tels, combattue et renversée par le père François Garasse, de la compagnie de Jésus. In-4o, Paris, 1624. Voyez liv. II, 6e section, p. 144 seqq.
  2. Marini Mersenni, ordinis Minimorum, etc., Quæstiones celeberrimæ in Genesim… in hoc volumine athei et deistæ impugnantur et expugnantur. In-fol., Lutetiæ, 1623. Voyez p. 671-672. — Plus tard, Mersenne supprima lui-même les feuillets où était racontée l’affaire de Vanini. Je n’ai jamais rencontré d’exemplaire des Questions sur la Genèse qui contînt ces feuillets. Chaufepié les a rétablis à l’article Mersenne, et je les cite d’après Chaufepié.