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écrits ; si quelqu’un peut prouver que Vanini a ignoré Dieu, je donnerai à celui-là le nom de sorcier. » Et pour prouver que Vanini n’a pas ignoré Dieu, Arpe cite tout au long cette même définition de Dieu, où Durand voit à plein l’athéisme. La foule des dissertateurs qui prennent parti pour ou contre Vanini le condamnent ou l’excusent sur l’Amphithéâtre ou sur les Dialogues. Les plus célèbres historiens de la philosophie, embarrassés dans ce conflit et devant des apparences si contraires, ne savent quel parti prendre. Le savant et judicieux Brucker[1] déclare qu’il est difficile de décider entre les adversaires et les apologistes de Vanini ; il se plaint que ses ouvrages cachent plus qu’ils ne montrent sa vraie pensée ; et, après avoir sévèrement relevé sa vanité, sa légèreté, son extravagance, ces réserves faites, il l’absout de l’accusation d’athéisme. Tiedeman[2], qui d’ailleurs traite aussi fort mal Vanini, ne peut trouver certainement l’athéisme dans ses écrits. Buhle[3] est de cet avis quant à l’Amphithéâtre ; mais il avoue que les Dialogues sont très suspects, et en somme il ne conclut pas. Fulleborn[4] ne se prononce pas avec plus de précision. Enfin, le dernier historien de la philosophie, Rixner[5], soutient que, ni dans l’un ni dans l’autre des deux écrits de Vanini, on ne trouve aucune preuve d’un complet athéisme ; il est vrai qu’il s’appuie surtout sur le premier chapitre de l’Amphithéâtre et qu’il glisse sur les Dialogues. Le titre si malsonnant de ce dernier ouvrage n’est point à ses yeux une preuve suffisante. Sa conclusion est « que l’accusation intentée à Vanini est sur tous les points mal fondée, » et il cite un bon nombre de passages de l’Amphithéâtre et des Dialogues, « où, dit-il, il n’y a qu’un mauvais vouloir qui puisse découvrir l’athéisme. »

Pour nous, sans mauvais vouloir, mais aussi sans aveuglement volontaire, après avoir soutenu que Vanini n’est pas athée dans l’Amphithéâtre, nous ne craignons pas de reconnaître qu’il l’est à peu près dans les Dialogues, et que c’est dans les Dialogues qu’il faut chercher sa vraie pensée, comme il le déclare lui-même[6].

Résumons-nous sur Vanini. C’est un homme du XVIe siècle en révolte contre les dominations de ce temps, poussant le mépris et

  1. Tome V, p. 680 seqq.
  2. Esprit de la philos. spéculative, tome V, p. 480.
  3. Histoire de la Philosophie moderne, t. II, p. 870 seqq.
  4. Beiträge zur Geschichte der Philosphie, 5e cah.
  5. Tome II, p. 262 seqq.
  6. Dial., p. 428.