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qui aboutissent à identifier Dieu et le monde. Il attribue même à Platon cette extravagance, à laquelle Platon n’a jamais pensé. « Platon, dit-il, ne reconnaissant rien de parfait que Dieu, et admettant la perfection absolue du monde, a été forcé de faire du monde et de Dieu une seule et même chose. » Pourtant il s’avise que Platon n’a pas dit tout-à-fait cela : « Chez Platon lui-même[1], le monde a commencé : il n’est donc pas absolument parfait, puisqu’il a eu besoin d’un premier principe pour être ce qu’il est. » Ailleurs, s’il admet comme chrétien que le monde a commencé, il ne l’admet pas comme philosophe : « Je confesse ingénument que la religion seule me persuade que la mer aura une fin… Quant au commencement de la mer (s’il est permis à un philosophe de dire que le monde ait commencé), détestant, par soumission à la foi chrétienne, cette opinion que le monde est éternel, je dirais : Si le monde a eu un commencement, les fleuves, etc… » — Pour moi, je conclurais de tout cela, si je n’étais pas chrétien, que le monde est éternel. »

Ces derniers passages prouvent que, selon la plus sincère opinion de Vanini, le monde est éternel, c’est-à-dire infini quant à la durée. Le voilà déjà égal à Dieu en durée ; il n’y a plus d’autre différence entre le monde et Dieu que celle de la grandeur et de la puissance. C’est encore quelque chose, mais c’est bien peu, et il ne faudra pas un grand effort d’audace pour supposer que le monde, ce monde infini en durée, qui n’a pas eu de commencement et qui ne peut avoir de fin, se suffit à lui-même, est gouverné par des lois qui lui sont propres, et non par la volonté d’un être étranger. Déjà le titre du livre semble faire de la nature le seul vrai Dieu : la Nature reine et déesse des mortels. Dans l’ouvrage même[2], Jules-César dit expressément de la loi naturelle, qu’elle a été « gravée dans le cœur de tous les hommes par la nature, qui est Dieu, ipsa natura, quæ Deus est. » Voici qui est plus clair encore : « Si je n’avais été nourri dans les écoles chrétiennes, je tiendrais pour certain que le ciel est un être vivant mu par sa propre forme, laquelle est son ame… La figure circulaire était celle qui convenait le mieux à l’éternité et à la divinité de cet animal céleste[3] » Et il invoque l’autorité d’Aristote dans le Mouvement des animaux, et surtout dans le livre deuxième de l’Ame. Il s’appuie sur la définition péripatéti-

  1. Dial., p. 365.
  2. Page 366.
  3. Pages 20-21.