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rait soupçonner une ironie mal dissimulée. Ainsi, après avoir cité cinquante versets de l’Écriture pour réfuter un athée, il ajoute. « Cette réponse est très édifiante ; par malheur, les athées ne se font pas grand scrupule de la rejeter, car ils accordent aux saintes Écritures la même foi que je puis accorder aux fables d’Ésope, ou à des rêves de bonnes femmes, ou aux superstitions de l’Alcoran. » Il parle en ces termes de l’inquisition : « J’aime mieux attirer sur moi la colère d’Horace que celle de nos inquisiteurs, que je considère et que je vénère comme les gardiens de la vigne du Seigneur. »

En philosophie, Vanini se montre adversaire ardent de la scolastique. Il l’attaque partout, la tourne en ridicule, et n’épargne Albert ni saint Thomas. « Que d’autres, dit-il, admirent les scolastiques : pour moi, je n’en fais pas le moindre cas. » Il traite toutes leurs idées de « chimères, nées de l’ignorance, nourries par l’obstination et par la sottise. » Voilà bien le philosophe du XVIe siècle, plein de mépris pour le moyen-âge. Dans l’antiquité, il se sépare ouvertement de Platon et de Cicéron, qu’il traite à peu près comme les scolastiques. « Je ne m’appuierai pas, dit-il, sur les déclamations usées de Cicéron, ni sur les rêveries de vieille femme de Platon. » Et il se prononce pour Aristote commenté par Averroës et par Pomponat. Il appelle Aristote « son divin précepteur, le coryphée des philosophes, génie abondant en fruits divins, le père de la sagesse humaine, le souverain dictateur de toutes les sciences, l’oracle vénérable de la nature ; » et ce novateur indépendant avoue qu’il a été « instruit à jurer sur la parole d’Averroës, à l’école de Jean Baccon, carmélite anglais, le prince des averroïstes. » Pierre Pomponat est pour lui « le plus ingénieux des philosophes, » et « Pythagore aurait dit que l’ame d’Averroës était passée dans son corps. » C’est ici le langage diamétralement opposé à celui de La Ramée, de Bruno et de Campanella. Cependant Vanini s’accorde avec ce dernier pour combattre Machiavel, qu’il nomme « le prince des athées. » Il n’a pas assez d’invectives contre Cardan. Est-ce là encore une exagération calculée ? Mais en mettant sous les paroles d’un auteur d’autres pensées que celles qu’elles expriment, que fait-on autre chose que des conjectures ?

Voici le plan de l’Amphithéâtre : il se divise en cinquante chapitres appelés exercices. Vanini établit d’abord l’existence et la nature de Dieu. Il détermine l’idée de la Providence, et il en donne les preuves tout au long. Après avoir posé les principes, il discute les objections ; il réfute l’argumentation de l’athée Diagoras contre l’existence d’une Providence, ainsi que celle de Protagoras et de ses mo-