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pas, dit-il, que je sois irréprochable… Tout ce que je soutiens, c’est qu’il n’y a pas de quoi me punir ainsi. »

Vanini est bien au-dessous de Bruno et de Campanella. Il n’a le sérieux de l’un ni de l’autre, ni la vaste imagination du premier, ni l’enthousiasme énergique du second. Napolitain comme eux, mais rebelle à l’esprit idéaliste de la Grande-Grèce, il appartient plutôt à l’école de Bologne. Il est anti-platonicien déclaré, et disciple ardent d’Aristote, interprété à la manière d’Averroës et de Pomponat. Ce n’est pas la plus noble expression du XVIe siècle. Il en a l’imagination et l’esprit, il en a aussi le désordre, et ce désordre paraît avoir été dans sa conduite comme dans sa pensée ; mais il a du moins ressemblé à ses deux grands compatriotes par son audace et par ses malheurs.

Nous le sentons, un tel jugement a besoin de preuves ; car Vanini est encore un problème sur lequel on a entassé les dissertations et les conjectures les plus contraires. Un cri d’horreur s’élève contre le bûcher infâme dressé à Toulouse au commencement du XVIIe siècle. On maudit les bourreaux, on plaint la victime, mais on ne sait pas bien encore pourquoi elle fut condamnée. Le même voile qui couvre les procès de Campanella et de Bruno est aussi étendu sur celui de Vanini. Le parlement de Toulouse s’est bien gardé de publier les actes de cette odieuse affaire. Jusqu’ici nulle pièce authentique n’a vu le jour, et on ne possède que le récit obscur d’un témoin intéressé qui fut un des juges de Vanini. Mais, grace à Dieu, plusieurs documens nouveaux sont tombés entre nos mains, et nous avons pu nous procurer une pièce officielle, la pièce décisive, qui nous permettra de voir plus clair dans ces ténèbres sanglantes.

Examinons d’abord les ouvrages de Vanini. Ils sont assez rares pour qu’il ne paraisse pas déplacé d’en donner ici une analyse étendue.

D’après son propre témoignage, il était né à Taurisano, près Naples ; sa mère s’appelait Beatrix Lopez de Noguera, et son père, Jean-Baptiste Vanini. Il paraît que son vrai nom était Lucilio ; mais il prend dans tous ses ouvrages le titre de Jules-César. Il étudia successivement à Naples, à Rome et à Padoue. Parmi les maîtres dont il dit avoir suivi les cours, il cite particulièrement les deux carmes Barthélemi Argotti et Jean Baccon. Il visita presque tous les pays de l’Europe où la philosophie était cultivée. Il parle de son séjour en Allemagne, en Hollande, en Belgique, à Genève, en Angleterre. On le voit, c’est à peu près la même vie que celle de Bruno. Il doit avoir