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Du rapprochement continuel de personnes dont la fortune et la position sont différentes naissent infailliblement une infinité de petites jalousies qui se laissent deviner lors même qu’elles ne se trahissent pas à l’extérieur. À Athènes, ainsi que dans toutes les petites villes, les maisons sont pour ainsi dire transparentes. Les habitudes de chacun sont connues dans les moindres détails, et, comme les sujets de conversation manquent, on parle beaucoup d’autrui. La facilité des mœurs donne un nouvel attrait à la médisance ; aussi la chronique des salons athéniens est-elle fort piquante, et cette chronique, on la connaît dès le premier jour ; en Grèce comme ailleurs se trouvent de bonnes ames qui ne se font aucun scrupule d’ajouter au nom de toute femme celui du prétendu cavaliere servente. Pourtant, il faut le dire, les coutumes italiennes, quoique adoptées par le plus grand nombre, ont rencontré des dissidens dans la société d’Athènes. Il y a peu d’années, une grande dame étrangère s’indigna de la légèreté des mœurs et prétendit les réformer. Elle fit un triage dans le monde hellénique et n’ouvrit son salon qu’à une société épurée. Bien que les jeunes gens se fussent montrés rebelles à ce nouvel ordre de choses, et que les plus jolies femmes n’eussent point paru suivre avec beaucoup d’enthousiasme, à vrai dire, la bannière du puritanisme, la réforme eut ses prosélytes, et la société se divisa. Le nouveau salon était le plus vertueux d’Athènes, un autre en était le plus gai. Deux camps se formèrent, et la discorde agita son brandon.

Des causes de division plus sérieuses que ces rivalités féminines partagent le monde athénien : ce sont les opinions politiques. La société d’Athènes ne se compose pas exclusivement de Grecs ; elle a même pour noyau les diplomates étrangers et leurs familles. Chacun de ces diplomates, français, anglais ou russe, cherche à faire prédominer son influence, chacun a ses sectateurs parmi les Hellènes, et il est impossible que les chefs de ces trois partis oublient tout-à-fait dans les salons les préoccupations de leur cabinet. La même défiance règne entre leurs prosélytes, et la politique, en Grèce aussi bien qu’à Paris, jette son venin dans les relations sociales. Cette allusion que nous venons de faire aux trois opinions qui divisent la société d’Athènes nous amène à dire ce que nous entendons par les partis étrangers en Grèce. Ce mot parti, auquel on a prêté, ce nous semble dans ces derniers temps, une signification beaucoup trop étendue, est loin d’avoir, en Grèce, la même valeur qu’en tout autre pays. En le prenant dans une fausse acception, beaucoup de journaux ont