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le bras à deux dames coiffées de chapeaux roses. Sept à huit bâtimens étaient mouillés dans le bassin. Le vaisseau français l’Inflexible, une frégate anglaise, une corvette russe, occupaient l’un des côtés ; un bateau à vapeur désemparé portait seul dans le Pirée les couleurs de la Grèce. Ce pauvre bâtiment désarmé, sans mâts, sans vergues et sans cordages, faisait peine à voir auprès de ces beaux navires qui se balançaient fièrement sous la brise. N’était-il pas l’image de ce malheureux pays de Grèce, qui maintenant ne vit plus qu’à l’ombre des trois grandes puissances dont nous voyions flotter les pavillons ?

Dès que notre paquebot eut laissé tomber son ancre, plusieurs barques se détachèrent du quai et vinrent accoster le bâtiment. Ceux qui montaient ces canots étaient vêtus à l’européenne ; bientôt ils nous hélèrent en français de tous les côtés à la fois. — Eh ! monsieur, l’hôtel des Voyageurs ! l’hôtel de France ! la pension Suisse ! — On pouvait se croire dans la cour des Messageries-Royales. Un de ces hommes transborda nos effets et nous conduisit au débarcadère. Au moment où, avec je ne sais quel sentiment de respect, je posais le pied sur les dalles du quai, un Grec à calotte rouge vint à moi et m’adressa dans sa langue une allocution à laquelle je ne compris pas un mot. Je demandai ce que me voulait cet homme ; il me fut répondu que c’était un douanier. Je lui donnai quelques sous, il passa son chemin. — Comment irons-nous à Athènes ? demandai-je au cicérone ; trouve-t-on ici un cheval, un mulet, un chameau ? Le guide se mit à rire. Il n’y a pas de chameaux au Pirée, me répondit-il d’un air un peu impertinent, mais je vais chercher un fiacre. Un fiacre arriva, un fiacre numéroté, doublé de velours d’Utrecht rouge, et attelé de deux haridelles. Nous prîmes la route d’Athènes. Cette route plate, poudreuse, se déroule en ligne droite comme un long ruban blanc ; elle traverse une plaine inculte, déserte, couverte de grandes herbes déjà flétries au mois de mai. Un bouquet d’oliviers, planté à égale distance du port et de la ville, coupe seul l’uniformité de cette lande jaunâtre, sur laquelle le regard erre tristement.

Le cicérone s’était placé sur le siége auprès du cocher. Je l’accablai de questions. — Qu’est-ce que cela ? lui demandai-je en indiquant auprès de la route un fossé assez semblable aux tranchées de nos marais, à cela près qu’il était à sec. — C’est le Céphise, me répondit-il tranquillement. — Et là-bas, un peu à gauche, cette grande montagne ? — C’est le Pentélique. — Et celle-ci, plus près, en face de nous ? — C’est l’Hymète. — L’Hymète ! m’écriai-je malgré moi, ah ! mon Dieu, voir l’Hymète par la portière d’une citadine ! — Ar-