Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/574

Cette page a été validée par deux contributeurs.
568
REVUE DES DEUX MONDES.

bouches du Rhône, tandis qu’à l’est de la Sardaigne les Athéniens bâtissaient une ville. Ces migrations annoncent de la part des peuples d’alors une tendance à transplanter l’excédant de la population sinon sous d’autres cieux, au moins à d’assez grandes distances, eu égard aux limites que l’on assignait en ces temps à la terre ; cependant il est à remarquer que les émigrans, n’osant traverser la Méditerranée dans sa largeur, s’en allaient le long du rivage chercher, du même côté que la mère-patrie, le lieu favorable à l’établissement projeté : bien entendu qu’on ne peut considérer comme voyages les migrations providentielles qui ont jeté des peuples sur des îles lointaines où nous les voyons se développer sans que la tradition soit capable de soulever le voile sous lequel se cache leur origine.

L’expédition phénicienne, fabuleuse peut-être, entreprise l’an 604 avant notre ère, par ordre de Nechos, roi d’Égypte, et qui, partie du golfe de Suez, doubla l’Afrique pour venir mouiller à l’embouchure du Nil, cette expédition serait donc la seule dont l’histoire ait conservé le souvenir, et elle devait être le complément de voyages antérieurs poussés hors du détroit de Bab-el-Mandeb, sur la côte d’Afrique. Mais ces barques aventureuses n’avaient pas laissé sur les trois mers, sans doute bien lentement parcourues, plus de traces que n’en laisse à travers le firmament l’étoile filante. Derrière les Phéniciens, la route du Cap devait se refermer pour vingt siècles. Cependant toute science est née en Orient : avant nous, on connaissait en Chine les propriétés de l’aiguille aimantée ; mais dans ce pays stationnaire, parce qu’il lui manque l’émulation du dehors, les découvertes restèrent presque toujours sans résultat. Dès l’aurore des temps historiques, on y observait les astres, et les empereurs durent confier aux missionnaires européens la réforme d’un calendrier par trop fautif ; ne voyons-nous pas aussi où en est aujourd’hui l’artillerie dans le céleste empire, où depuis tant de siècles on se sert de la poudre à canon ? De bonne heure, les Chaldéens suivirent dans le firmament la marche des planètes et le mouvement des constellations ; placés assez près de l’équateur, les bergers de l’Yémen pouvaient presque embrasser d’un même regard les astres des deux hémisphères, étudier à la fois l’étoile polaire et la croix du sud, mais il semblerait que l’harmonie des sphères célestes n’était pour eux qu’un délassement de l’immobilité muette du désert. Ils cherchaient à lire dans ces corps lumineux, si brillans durant leurs nuits toujours sereines, la connaissance des choses à venir. S’ils apprenaient à se guider dans leurs solitudes immenses, il est douteux