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turbulentes, les ambitions prennent chaque jour des proportions plus mesquines. Sous la minorité de Louis XIII, le prince de Condé, est au-dessous de l’importance que pourrait acquérir sa cause ; sous la minorité de Louis XIV, un autre Condé parvient à peine à grandir, par ses efforts personnels, la faction au service de laquelle il consent à placer sa gloire. Que dire de ce Gaston, dont l’ambition ne s’élève jamais au-dessus d’une cupide exploitation financière, et qui, par ses attentats réitérés, précipita Richelieu dans la voie des répressions sanglantes ? Quelle portée politique attribuer aux projets d’un prince qui fit verser le plus noble sang de France sans exposer le sien, et partagea sa vie entre le soin de conspirer, et celui de dénoncer ses complices ? Dans la vie politique, rien n’expose plus à abuser du pouvoir que le droit acquis de mépriser ses ennemis. Le malheur du cardinal est de n’avoir trouvé debout devant lui ni un puissant et légitime intérêt, ni une idée féconde, ni un caractère fortement trempé. Ses adversaires l’irritèrent constamment sans parvenir jamais à se faire respecter. Il n’est pas un de leurs projets dont la réalisation ne fût devenue une calamité publique, un attentat à l’unité et à l’indépendance de la patrie. À l’exemple de Napoléon, Richelieu n’a détrôné que la médiocrité et l’anarchie.

Nous voici parvenus aux jours les plus agités de cette vie si pleine ; nous touchons aux temps où commencèrent les négociations du père Joseph en Allemagne, celles du baron de Charnacé en Suède, et où se prépare la dissolution de la vaste monarchie espagnole par la séparation du Portugal et l’insurrection de la Catalogne. Après avoir réglé le sort des provinces méridionales, le cardinal-généralissime était retourné prendre le commandement de l’armée d’Italie avec des pouvoirs d’une telle étendue, que, selon l’expression d’un contemporain, de toutes ses attributions souveraines, le roi ne s’était réservé que le droit de guérir les écrouelles. Appelé à combattre les généraux espagnols et à lutter d’adresse avec la diplomatie tortueuse du cabinet de Turin, Richelieu se montra à la hauteur de cette double tâche. Les mœurs incertaines et peu réglées de ce temps permettaient de les concilier : personne n’ignore que les généraux les plus renommés de l’époque, depuis le cardinal-infant jusqu’au cardinal de La Valette, appartenaient à l’église. L’esprit parlementaire s’efforçait de faire prévaloir la distinction des deux puissances ; mais elle était loin d’être réalisée dans les habitudes et la pratique de la vie. On voyait donc Richelieu à la tête de son armée, revêtu du costume