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pour repousser un prince de cette maison de Gonzague que tous ses intérêts rattachaient à la France. Une armée castillane pressait étroitement Casal, et la perte de cette place importante aurait rendu l’issue du débat plus qu’incertaine. Richelieu comprit, avec sa perspicacité ordinaire, que la délivrance de Casal était imposée à la France par le souci de sa considération en Europe, comme la chute de toutes les villes huguenotes par le soin de sa puissance et de sa sécurité. Écoutez-le exposant au roi l’ensemble de la politique qu’il lui conseille pour le dedans et pour le dehors, voyez-le dérouler les conséquences qu’il se propose de tirer de ses premiers succès.

« Les intérêts de l’état sont divisés en deux chefs : l’un qui concerne le dedans, et l’autre le dehors.

« En ce qui touche le premier, il faut sur toute chose achever de détruire la rébellion de l’hérésie, prendre Castres, Nîmes, Montauban et tout le reste des places de Languedoc, Rouergues et Guyenne, puis entrer dans Sédan, et s’assurer d’argent.

« Il faut raser toutes les places qui ne sont pas frontières, ne tenant point le passage des rivières, ou ne servant point de bride aux grandes villes mutines et fâcheuses, parfaitement fortifier celles qui sont frontières ; il faut décharger le peuple, ne rétablir plus la paulette, abaisser les compagnies qui, par une prétendue souveraineté, s’opposent tous les jours au bien du royaume.

« Il faut que le roi soit absolument obéi des grands et des petits, qu’il remplisse les évêchés de personnes choisies, sages et capables, qu’il rachète le domaine du royaume, et augmente son revenu de la moitié, comme il se peut par moyens déjà indiqués.

« Pour le dehors, il faut avoir un dessein perpétuel d’arrêter le cours des progrès d’Espagne, et, au lieu que cette nation a pour but d’augmenter sa domination et d’étendre ses limites, la France ne doit penser qu’à se fortifier en elle-même, bâtir et s’ouvrir des portes pour entrer dans tous les états de ses voisins, et les pouvoir garantir de l’oppression d’Espagne, quand les occasions s’en présenteront.

« Il y a à considérer que, si l’Espagne dépouillait M. de Mantoue, elle serait absolument maîtresse en Italie, étant certain que tous les potentats qui étaient au-delà des Alpes, pleins d’affection pour la France et de mauvaise volonté pour l’Espagne, seraient esclaves de sa grandeur tyrannique, si elle venait à bout de son dessein.

« Le titre du roi pour défendre le duc de Mantoue est l’ancien droit de ce royaume qui en retient le nom, d’affranchir de tyrannie ceux qu’une puissance étrangère asservit injustement, et l’obligation