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dernière contradiction fut trop forte ; elle ne le sauva pas, elle ne garantit pas pour long-temps la durée de son ministère. Ce pouvoir qu’il aurait pu résigner avec honneur au moment où s’élevèrent les difficultés du droit de visite, sur lesquelles il se trouvait en dissentiment avec le pays, lui fut enfin arraché par un de ces mouvemens d’opinion publique qu’il s’était toujours efforcé de conjurer, au prix même de serviles condescendances.

Walpole tomba au milieu d’une effervescence universelle. L’opposition qu’il avait pour ainsi dire recrutée lui-même, en lui envoyant, animés contre lui de haines ardentes, tous les hommes dont les talens lui faisaient ombrage aux affaires, comptait dans le parlement les plus grands orateurs de l’époque : Carteret, Chesterfield, Argyle, Pulteney, Wyndham Pitt ; au dehors, tous les écrivains distingués dont il fit la faute de dédaigner et de ne pas acheter les services : Pope, Swift, Gay, Fielding, Johnson, Thompson, et toutes les têtes jeunes et exaltées, les enfans, comme il disait lui-même avec mépris. Maîtresse des avenues de l’opinion publique, la coalition formée contre Walpole par le ciment de la haine commune avait ajourné, dans ses incessantes déclamations, à la chute de l’odieux ministre la satisfaction de tous les mécontentemens, le redressement des griefs les plus imaginaires, le couronnement des plus folles espérances. Aussi fut-elle tuée par sa victoire, et paya-t-elle par une juste impopularité le prompt désillusionnement des passions soulevées. Le nom de patriotes, que s’étaient donné les adversaires de Walpole, devint un terme de dérision. Horace Walpole raconte que la déclaration la plus populaire qu’un candidat pût faire aux hustings était d’assurer qu’il n’avait jamais été, qu’il ne serait jamais patriote. On vit bientôt que l’opposition qui avait fait la guerre à Walpole n’avait eu pour mobile que des ressentimens personnels. La première chose que firent ses chefs fut d’entrer en arrangement pour le partage du pouvoir avec les plus influens associés que Walpole avait eus au ministère, M. Henry Pelham et son frère le duc de Newcastle. Cette combinaison donna pour quelque temps la haute main, dans les affaires, à lord Carteret ; mais tandis que cet homme d’état, d’un si beau génie d’ailleurs, la tête pleine de grands projets ne songeait qu’à régenter l’Europe, les Pelham se rendirent maîtres de la chambre des communes par la dispensation des places et des pensions, que Carteret leur avait abandonnée avec une insouciante générosité, et par un habile usage des fonds secrets, du secret-service money. Lorsqu’ils se furent assurés de la majorité par l’adroit exer-