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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

lord Townshend, lord Carteret, lord Chesterfield, et s’en fit des ennemis implacables. Cependant cet homme si hardi pour atteindre le but de son insatiable ambition devenait timide et disposé à toutes les concessions dans le maniement des affaires publiques. Toute sa politique est enfermée dans une maxime qu’il répétait souvent : Quieta non movere. Il appréhendait de susciter des affaires, de peur d’en voir sortir des orages, et lorsque, malgré ses précautions, les orages étaient soulevés, il cédait tout, il se pliait à tout pour les détourner de lui, pour conserver encore le pouvoir, n’importe à quelle condition. Il montra bien cette double face de son caractère à l’égard de l’excise scheme, dont nous avons expliqué ailleurs le mécanisme et la portée. Sa loi était excellente, mais l’opposition réussit à ameuter contre elle les préjugés et les passions de ceux mêmes à qui elle devait être surtout profitable, des classes adonnées au commerce. Walpole se conduisit dans cette circonstance à la fois avec cette téméraire énergie contre les personnes et cette faiblesse à l’égard des choses que nous avons essayé de définir. Il se soumit aux mécontentemens populaires ; il retira l’excise bill, quoiqu’il eût pu le faire passer dans le parlement. Ses adversaires insinuèrent qu’il comptait reprendre son plan ; Walpole leur répondit par ces paroles, qui le dépeignent : « Quant à cet infâme plan, comme se plaît à l’appeler le membre qui veut vous persuader qu’il n’est pas mis de côté, je peux, pour ma part, assurer cette chambre que je ne suis pas assez insensé pour m’engager jamais encore dans quelque chose qui ressemble à de l’excise, quoique, dans mon opinion, je sois toujours convaincu que ce plan aurait considérablement servi les intérêts de la nation. » Mais quelques membres du gouvernement, quelques hauts fonctionnaires avaient voté contre l’excise-bill, ou ne lui avaient donné qu’un appui incertain : — Walpole prit contre eux sa revanche avec une fière vigueur ; il renvoya du même coup du service de la couronne et jeta pour toujours dans l’opposition les ducs de Montrose et de Bolton, lord Burlington, lord Stair, lord Cobham, lord Chesterfield, lord Marchmont et lord Clinton. Dans l’affaire du droit de visite et des démêlés de l’Angleterre avec l’Espagne, sa conduite fut régie par le même principe. Il avait renoncé à l’excise-bill, qu’il regardait comme utile au pays, parce qu’il voyait l’opinion publique hostile à cette mesure : il consentit à faire à l’Espagne une guerre qu’il regardait comme injuste dans son origine, comme devant être funeste à l’Angleterre dans ses conséquences, lorsqu’il vit l’Angleterre la réclamer avec une irrésistible unanimité. Seulement, cette