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augmentant leurs richesses par une habile administration des intérêts financiers et commerciaux de son pays. Peu d’hommes donc ont eu le mérite et l’honneur d’exercer une influence aussi puissante, aussi heureuse sur les destinées de leur patrie. Il est également peu de caractères historiques plus intéressans à étudier dans leurs contrastes que celui de Walpole. Walpole n’avait pas les qualités brillantes de l’homme d’état : il n’était pas éloquent ; il avait fort peu de littérature ; ses connaissances historiques étaient très médiocres. Grossier de manières, la liberté de ses mœurs paraissait scandaleuse à une époque dont il était difficile, en ce point, d’effaroucher les scrupules. L’esprit pratique et les mérites moins éclatans que solides d’un homme d’affaires suffirent à sa fortune. Parmi ses contemporains, personne ne connut aussi bien que lui les hommes, sa nation, la cour, la chambre des communes, les finances. Cependant ce caractère ne se présente pas dans l’histoire dépourvu de toute noblesse et de grandeur. Le corrupteur Walpole posséda à un haut degré et eut l’honneur d’enraciner dans les mœurs de son pays une vertu politique plus rare, avant lui, que l’intègre fidélité aux convictions. Les luttes de partis avaient presque toujours conduit, jusqu’à Walpole, à de féroces violences. Walpole fut le premier à donner au gouvernement cette longanimité, cette clémente tolérance pour ses adversaires, qui fortifient le pouvoir autant que la liberté. Walpole aurait pu envoyer à l’échafaud plusieurs de ses ennemis qui conspiraient avec le prétendant, et il se laissa outrager, calomnier, renverser enfin du ministère par des hommes dont il tenait la vie à sa merci. Mais ce qui éleva toutes les facultés de Walpole, ce qui leur communiqua par momens ce relief et ce lustre que l’on admire et dont on s’éprend dans les grands hommes, ce fut son ardent amour du pouvoir. Cette passion lui donna les qualités et les défauts les plus contraires ; elle le fit, en même temps, prudent quelquefois jusqu’à la lâcheté, souvent audacieux et intrépide jusqu’à la témérité. S’il avait aimé le pouvoir en homme médiocre, il aurait pu affermir sa position ministérielle en cédant une part de son autorité ; mais il la voulait tout entière, il n’en acceptait pas le partage. Aussi, ne connaissait-il aucune crainte, aucun ménagement, lorsqu’il s’agissait d’assurer son ascendant. Il n’hésita jamais à rompre avec ceux de ses amis ou de ses alliés qui auraient pu dans le gouvernement, balancer son influence ; il aimait mieux les avoir pour adversaires dans l’opposition que rivaux au pouvoir. Ce fut ainsi qu’il écarta ou renvoya successivement du ministère M. Pulteney,