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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

trouvait, pour ainsi dire, intercepté dans la chambre des communes. Les débats parlementaires n’étaient pas encore publics, les membres de cette chambre échappaient, par le secret de leurs discours et de leurs votes, à toute responsabilité vis-à-vis des électeurs : ils étaient encore plus indépendans de la couronne, portée par un prince étranger sans influence personnelle dans un pays dont il ignorait même la langue. La pratique du gouvernement parlementaire sortit de cette situation. Cette circonstance, que George Ier ne parlait ni ne comprenait l’anglais, appliqua tout naturellement en Angleterre une maxime d’état dont on a fait grand bruit chez nous avant 1830 et pendant la coalition de 1839. George Ier n’assistant pas aux réunions de ses ministres, pour l’excellente raison que nous venons de dire, depuis lors les conseils de cabinet se sont toujours tenus, en Angleterre, en dehors de la présence du roi. Ainsi le roi régna, les ministres gouvernèrent, et comme il fallait prendre le pouvoir où il était, pour eux, la partie la plus importante du gouvernement fut le maniement (the management) de la chambre des communes.

Un grand ministre, sir Robert Walpole, s’est fait une détestable réputation par la manière dont il entendait ce maniement, par les succès même qu’il y obtint. On lui impute sans réflexion la faute de sa position et de son temps. Nous approuvons M. Macaulay de l’absoudre de celle-là. On ne pouvait gouverner que par la chambre des communes. La plupart des membres de cette chambre n’avaient d’autre motif de soutenir le gouvernement que leur intérêt personnel. C’était sans doute un malheur, mais un malheur dont les ministres n’étaient pas coupables, dont ils étaient forcés de prendre leur parti, et dont les conséquences devaient entrer dans l’économie de leurs plans, puisque la conservation du pouvoir était à ce prix. « Il serait aussi raisonnable, dit M. Macaulay, d’accuser les pauvres fermiers des basses terres qui payaient le black-mail à Rob-Roy de corrompre la vertu des highlanders que d’accuser sir Robert Walpole de corrompre le parlement. Son crime fut simplement d’employer son argent avec plus d’adresse, de savoir en tirer plus de profit parlementaire qu’aucun de ceux qui l’ont précédé ou suivi. » Au lieu de chicaner Walpole sur les moyens dont il a été obligé de se servir pour maintenir sa position politique, il vaut mieux le juger par l’usage qu’il a fait du pouvoir. Walpole a été vingt ans ministre, et il est certain que sa politique a doublement réussi à affermir les institutions de l’Angleterre en consolidant la dynastie hanovrienne, et à agrandir l’influence des classes moyennes en