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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

de ces écrivains, qui ne sont pas allés au-delà du moyen-âge, ont grandi l’intelligence du passé de notre patrie, combien plus net et plus profond par conséquent ils ont rendu le sentiment de notre nationalité, on regrette qu’ils n’aient pas étendu leurs aperçus jusqu’aux temps les plus rapprochés de nous. La belle tâche de dégager le sens des principales péripéties des derniers siècles de notre histoire reste encore à accomplir. Et cependant il s’agit de la période où, dans l’achèvement du pouvoir monarchique, il faudrait calculer la véritable portée de nos institutions, où, dans les relations de la monarchie avec l’Europe, nous devrions puiser une connaissance sûre des intérêts et des traditions de notre politique extérieure, et découvrir dans l’étude des grands hommes qui ont travaillé à faire la France actuelle les inspirations naturelles et les procédés familiers à notre génie national[1]. Cette lacune dans nos études historiques, nous l’avons plus douloureusement sentie en rencontrant précisément, dans les volumes où M. Macaulay vient de réunir les articles qu’il a publiés depuis près de vingt ans dans la Revue d’Édimbourg, des études semblables exécutées avec un remarquable talent sur l’histoire de l’Angleterre durant les deux derniers siècles[2].

M. Macaulay offre aujourd’hui dans son pays l’exemple d’une brillante fortune politique, fondée et consolidée par des travaux littéraires, par des travaux de revue. Il sortait à peine de l’université, en 1825, lorsqu’il publia, dans le célèbre recueil d’Édimbourg, un article sur Milton, qui fut remarqué ; d’autres essais de critique littéraire, mais surtout des morceaux historiques qui annonçaient de belles aptitudes politiques suivirent ce début et en tinrent les promesses. Le jeune reviewer fut bientôt une des espérances du parti whig. Six ans après son entrée à l’Edinburgh Review, l’influence whig introduisait M. Macaulay dans la chambre des communes. Comme les deux Pitt, comme Fox, Burke, Canning et la plupart des plus illustres parlementaires, il y pénétra par la porte bâtarde, mais toujours ouverte au mérite, du rotten-borough. Il y représenta d’abord le petit bourg de Calne, que le vieux et grossier radical Hunt, s’adressant à M. Macaulay lui-même, appela un jour, en

  1. Pour être juste, nous devons dire que M. de Carné, dans un travail sur Du Guesclin, qu’on n’a pas oublié, a tenté avec bonheur cette voie, qu’il poursuit aujourd’hui même par un Essai sur Richelieu. Nous aimerions voir un esprit aussi éminent continuer ces travaux d’histoire politique, qui, en agrandissant l’étude du passé, éclairent souvent et préparent celle du présent.
  2. Critical and historical Essays, 3 vol. in-8o, Londres, 1843.