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questions constitutionnelles sont réglées, et qu’on n’aura bientôt plus affaire qu’au jeu normal des intérêts dans des formes politiques définitivement greffées sur les mœurs, la presse quotidienne, instrument de gouvernement entre les mains des habiles, ne sera plus une énorme difficulté que pour les faibles et les maladroits. En dehors du domaine propre du journal, la discussion des intérêts actuels, où la revue doit l’emporter toutes les fois qu’il s’agit de voir les choses de haut, de loin et à fond, un champ immense et sans partage s’ouvre encore à elle dans la littérature politique.

L’instruction politique est assurément un des principaux besoins des sociétés appelées à se gouverner elles-mêmes. Dans cette littérature politique si vaste et si variée, qui, de la discussion des intérêts moraux les plus nobles et des données les plus abstraites ou les plus pratiques de l’économie, peut se jeter dans l’arène des luttes personnelles et conduire les vives et hardies escarmouches du pamphlet, un rang éminent appartient sans doute à l’histoire. Les études historiques seront toujours le principe et l’indispensable achèvement de l’instruction politique. Le passé aura toujours bien des choses à nous apprendre sur le présent et l’avenir. Cette belle parole de l’orateur romain : Atque ipsa mens quæ fitura videt præterita meminit, est une de ces vérités saisies dans le vif de notre nature, qui dureront autant qu’elle. Aussi, presque tous les grands politiques sont-ils en liaison intime, familière, avec quelque grand historien. Machiavel commente les Décades. Dans le donjon de Vincennes, où il amassait tant de colère et de force contre la tyrannie, Mirabeau traduisait les Annales et les Histoires ; et, remarquable rapprochement ! cet homme qu’il nous faut bien appeler grand malgré le mal qu’il a fait à notre patrie, Pitt, l’esprit altier, la volonté opiniâtre, qui devait être l’ame de la guerre du Péloponèse des temps modernes, avait nourri de la sombre histoire de Thucydide son austère jeunesse et sa précoce maturité. Or, par le tour qu’elles ont pris de notre temps, les études historiques se sont particulièrement ajustées à la revue. Une nouvelle méthode s’est ajoutée à l’histoire racontée. Cette méthode, qui procède par l’analyse, qui cherche l’unité des points de vue, qui décompose les questions soulevées dans le passé pour en saisir l’enchaînement, et dont M. de Châteaubriand a heureusement défini le but en la nommant l’histoire politique, devait naturellement choisir la forme simple et précise de l’essai. On sait avec quel éclat les Lettres de M. Thierry, les Essais et les leçons de M. Guizot en ont marqué l’application à notre histoire. Lorsqu’on voit combien les travaux