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REVUE LITTÉRAIRE.

I. — GŒTHE ET BETTINA,
PAR M. SÉB. ALBIN.
II. — LA GUERRA DEL VESPRO SICILIANO,
PAR MICHELE AMARI.

Une assertion m’arrête dès le début de la préface qu’a placée M. Sébastien Albin en tête de son intelligente version des lettres adressées à Goethe par Mme Bettina d’Arnim : l’ingénieux écrivain affirme qu’en amour les sentimens exceptionnels sont beaucoup plus fréquens qu’on ne l’imagine. Voilà tout d’abord une opinion dont je me défie, et qui pourrait bien n’être seulement qu’une politesse du traducteur envers son auteur, un paradoxe adroit de l’interprète, pour couvrir les bizarreries de l’original. Qu’arrive-t-il, en effet, dans l’art ? Aux grandes époques littéraires, on se contente de traduire les sentimens naturels du cœur, les épreuves ordinaires de la vie. Toute œuvre d’imagination est simplement un tableau, où chacun retrouve des airs de famille, un miroir dans lequel le premier venu reconnaît ses propres traits, ou les traits de son voisin. Plus tard, il n’en est pas ainsi : on arrive au raffinement, on croit n’avoir pas assez des vulgaires émotions du cœur. Viennent alors les combinaisons étranges, les situations singulières : ne faut-il pas quelque chose de mieux et de plus rare que ces communes affections de mère, d’amante, de fille ? On fait donc appel aux ressources des civilisations avancées, on crée des sentimens. Telle est trop souvent la poésie des seconds âges littéraires, tranchons le mot, la poésie