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« Ses bandes sauvages ondulaient comme une mer. Il entourait sa bien-aimée de son bras noir, de son bras tout chargé d’or : « Orne-toi, jeune fille, pour la fête de la victoire ! »

« Vois : je t’apporte des perles brillantes ; elles pareront ta chevelure noire et crépue. Là où les flots du golfe Persique cachent des bancs de corail, de hardis plongeurs les ont pêchées.

« Vois : des plumes d’autruche ! Qu’elles parent ton front et s’inclinent, toutes blanches, sur ton visage noir ! Orne la tente, apprête le festin, remplis et couronne la coupe du vainqueur. »

« Du fond de sa tente blanche et brillante sort le prince maure armé pour le combat ; ainsi, du seuil des nuées étincelantes, sort la lune, sombre, obscurcie.

« Comme il est salué par les cris joyeux de ses troupes, par les trépignemens de ses chevaux ! C’est à lui le sang fidèle du nègre, c’est pour lui que le Niger roule ses eaux mystérieuses.

« Mène-nous à la victoire ! mène-nous à la bataille ! » Ils combattirent depuis le matin jusqu’au milieu de la nuit. La dent creusée de l’éléphant, avec son bruit sauvage, enflammait les guerriers.

« Les lions, les serpens s’enfuient effrayés au bruit du tambour, garni de crânes. Dans les airs flotte la bannière qui annonce la mort ; le jaune désert se teint en rouge.

« Ainsi s’agite la bataille dans la vallée des Palmiers ! Elle, cependant, prépare le festin. Elle remplit la coupe avec le jus des dates, et couvre de fleurs le pieu qui soutient la tente.

« Avec les perles que les flots de la Perse ont produites, elle pare sa chevelure noire et crépue ; elle orne son front avec les plumes ondoyantes, elle couvre de coquillages étincelans son cou et ses bras.

« Elle se tient devant la tente du bien-aimé ; elle écoute comment sonne au loin la trompette de la guerre. Il est midi, le soleil brûle ; ses couronnes de fleurs se fanent, mais elle ne le voit pas.

« Le soleil descend, le soir vient. Voici la rosée de la nuit qui frissonne, voici le ver luisant qui paraît. Du sein des eaux tièdes, le crocodile lève sa tête, comme pour jouir de la fraîcheur.

« Le lion se dresse et rugit tout affamé. Des troupes d’éléphans s’agitent dans la forêt ; la girafe cherche un gîte pour se reposer ; les yeux et les fleurs se ferment.

« La poitrine de la jeune fille se gonfle d’inquiétude ; tout à coup vient un Maure, fugitif, couvert de sang : « Plus d’espérance ! La bataille est perdue ! Ton amant est pris et conduit vers l’orient.

« Là-bas, vers la mer ! vendu aux hommes blancs ! » Alors elle se roule à terre, elle s’arrache les cheveux, elle brise ses perles d’une main frémissante, elle cache ses joues brûlantes dans le sable brûlant. »