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FERNAND.

Quoique un peu mêlée de trouble et d’appréhensions, cette journée fut pour Fernand véritablement enchantée. Dans l’après-midi, Mme de Mondeberre et sa fille vinrent le surprendre à son gîte. — Soyez bénies mille fois ! dit M. de Peveney en leur donnant la main pour descendre de leur calèche. Votre présence ici réalise le plus doux de mes rêves ; c’est un bonheur que je n’aurais pas osé solliciter. — Vous le devez à votre tristesse d’hier, dit Mme de Mondeberre en souriant ; d’ailleurs nous avions projeté depuis long-temps de visiter votre petit royaume. — C’est le vôtre, madame, ajouta Fernand en lui baisant la main avec respect. — Tandis qu’ils parlaient, Mlle de Mondeberre était déjà dans le jardin, courant, légère et curieuse, le long de ces allées peuplées de son image, où Fernand la suivait d’un regard surpris et charmé. Embellie par la présence de ces deux aimables créatures, sa retraite s’anima tout à coup et prit une face nouvelle. Ce fut pour lui comme un avant-goût des félicités vers lesquelles son ame tendait en secret ; il lui sembla qu’il faisait, pour ainsi parler, une répétition du bonheur. Ayant prié Mme de Mondeberre de dîner à Peveney, il y mit tant d’insistance, qu’elle y consentit. Ce fut le complément de la fête, et jamais favori recevant sa souveraine ne tressaillit de plus de joie ni de plus d’orgueil que Fernand en voyant sous son toit, à sa table, tant de grace et tant de beauté. La joie brillait aussi dans les yeux d’Alice, et Mme de Mondeberre, heureuse et recueillie, paraissait absorbée dans la contemplation de ces deux jeunes gens ; car, bien qu’il eût essuyé les premiers orages de la vie, Fernand était encore dans tout l’éclat de la jeunesse. Le mauvais vent des passions avait passé sur son front comme sur son cœur sans en altérer la pureté. Il avait conservé tout le charme du jeune âge, de même qu’il en avait encore le facile enthousiasme et tous les généreux instincts, si bien qu’en le voyant auprès de Mlle de Mondeberre, il était impossible de ne point fiancer par la pensée ces deux nobles et beaux enfans, tant ils semblaient créés l’un pour l’autre.

Quand l’heure fut venue pour Alice et sa mère de reprendre le chemin du château, Fernand s’excusa de ne les point accompagner. L’amour n’est que contradiction : loin de l’être aimé, il se consume et se dévore ; en sa présence, il aspire à la solitude, comme si l’image et le souvenir étaient plus doux que la réalité. Une fois seul, M. de Peveney s’abîma tout entier dans le sentiment de son bonheur. C’est surtout au sortir des passions tumultueuses qu’on se plaît aux chastes délices d’un amour jeune, honnête et pur. Fernand passa le reste