Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/418

Cette page a été validée par deux contributeurs.
412
REVUE DES DEUX MONDES.

fièvres pernicieuses qui désolent la Sardaigne depuis la fin de juin jusqu’au mois de décembre, et la malaria, qui exerce ses ravages dans les campagnes de Rome et de la Sicile. On retrouve dans ces fièvres, nommées par les Sardes intempérie, de même que dans la malaria, les caractères généraux des fièvres miasmatiques communes à tous les pays marécageux et produites par les gaz délétères qui s’exhalent des eaux stagnantes. En Sardaigne, où la constitution volcanique du pays, les nombreuses dépressions de terrain qui en sont la suite, et le peu de perméabilité d’un sol argileux, retiennent les eaux à la surface, on peut prévoir les effets d’un soleil ardent sur les mares croupissantes qui se forment de toutes parts dans de vastes plaines en partie inondées pendant l’hiver.

Ce qui distingue l’intempérie sarde de toutes les fièvres de même origine, c’est la rapidité de ses ravages ; elle est presque toujours mortelle. Parfois, l’invasion en est lente et sournoise ; elle ne se manifeste d’abord que par un état de malaise auquel il faut se hâter de porter un prompt remède ; dans la plupart des cas, elle est tellement foudroyante, qu’elle ressemble à un empoisonnement. L’inflammation gastro-entérite, qui est la condition morbide la plus remarquable de cette maladie, révèle alors à l’autopsie les plus affreuses lésions dans les intestins. Quand ces terribles fièvres ne vous enlèvent pas ainsi soudainement, elles deviennent chroniques ou laissent après elles des obstructions du foie ou de la rate.

L’intempérie épargne d’ordinaire les habitans des localités où elle sévit ; ils sont généralement acclimatés et respirent sans danger cet air empoisonné. Cependant la population qui habite la mortelle plaine de Pula, celle qui vit au milieu des cloaques qui couvrent le littoral de la province de Sulcis, depuis Porto-Paglia jusqu’aux marécages de Teulada, témoignent toutes deux, par leur teint jaune et leur aspect maladif, que ce n’est pas avec une entière impunité qu’ils subissent l’influence d’une atmosphère viciée. Rien n’est plus misérable surtout que l’apparence de ces enfans demi-nus, à la face pâle, aux jambes grêles et au ventre balonné, qu’on voit grelotter en hiver sur le seuil de chaque maison. Par une exception inexplicable, le village de Cabras, près d’Oristano, situé au centre des marais qui font de ce golfe le lieu le plus redouté de la Sardaigne, semble, par la beauté extraordinaire et la longévité de ses habitans, donner un éclatant démenti à cette inévitable influence des miasmes délétères.

La terreur qu’inspire l’intempérie est générale en Sardaigne. On évite avec soin d’approcher des lieux mal famés pendant la mauvaise