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LA SARDAIGNE.

aux bestiaux. Mais ce serait payer bien cher les avantages que procure cette plante, s’il était vrai que ses débris, amoncelés dans les fossés, devinssent une cause active d’épidémie.

Autour de la Sardaigne sont semés, comme autant de postes avancés, plusieurs îlots, blocs de granit qui semblent avoir été entassés par la main des cyclopes, et rivés à jamais au fond des mers. Nos travaux nous obligèrent précisément à visiter les deux plus remarquables de ces petites îles, celles de Saint-Pierre et de Saint-Antioche qui dessinent au sud-ouest du continent sarde la magnifique baie dite de Saint-Pierre, et le golfe plus spacieux encore de Palmas. Envoyés à la recherche d’un danger signalé par les navigateurs, à quinze milles environ du cap Teulada, nous quittâmes Cagliari au commencement de juin 1841, munis des utiles documens que nous donnèrent, avec une grace et un empressement que nous n’avons pas oubliés, M. le comte de Bellegarde, commandant de la marine à Cagliari, et M. le chevalier de Candia, collaborateur très distingué de M. le général de La Marmora.

L’île de Saint-Pierre, dont tout révèle l’origine volcanique, est peu élevée. De loin, ses collines noirâtres sont écrasées par le voisinage des pics plus audacieux qui forment en cet endroit la côte de Sardaigne. Ce n’est qu’à la distance de six à sept milles qu’on peut observer les falaises de Saint-Pierre. La côte du nord, battue par le mistral, est à peu près inabordable ; la côte méridionale n’est guère moins abrupte. Ces deux faces de l’île, également sinistres et désolées, se distinguent cependant par leurs teintes : au nord, c’est un trachyte bleuâtre ; au sud, un porphyre brun. Au moment d’entrer dans la baie, on range d’assez près une haute colonne à pans carrés, détachée de quelques mètres du rivage, et sur le sommet de laquelle une aigle pygargue a grossièrement étalé son nid. Cette aiguille a valu à ce lieu le nom de cap Colonne. Le coup d’œil de la baie n’a rien d’attrayant. Sur un rivage peu élevé qui court tout droit vers le nord, s’élève une tour grise et sombre destinée à couvrir les approches de Carlo-Forte : tel est le nom du chef-lieu de l’île. Cette petite ville flotte dans son enceinte pentagone garnie de tours, qui contiendrait aisément une ville trois fois plus considérable. Ses maisonnettes blanches s’étalent à leur aise au soleil ; un petit clocheton les domine, et la statue de Charles-Emmanuel, bienfaiteur de Carlo-Forte, se dresse sur son piédestal au bord du quai.

La population de Saint-Pierre tire son origine de quelques familles de corailleurs génois qui s’étaient établis sur l’île de Tabarque, située