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S’il cède à la première tentation, c’est fait de lui. Une fois endetté, il se laisse entraîner et se voit bientôt engagé pour une somme qu’il ne peut pas acquitter. On lui parle alors de la dureté des parens et des maîtres, on le plaint de manquer d’argent, et on lui insinue qu’il pourrait aisément payer ce qu’il doit en dérobant quelque objet dans la boutique de son maître ou dans la maison de ses parens. Le premier pas fait, il continue à voler. La recéleuse reçoit les objets dérobés et ne lui donne qu’une partie de l’argent qu’elle en retire ; elle lui fait connaître d’autres jeunes garçons qui suivent la même carrière, et l’enfant apprend bientôt à préférer à une vie laborieuse et frugale l’oisiveté d’une existence dissipée. Enfin, il devient un voleur accompli, laisse là sa séductrice avec laquelle il ne consent plus à partager le produit de ses vols, s’associe à une bande, prend une maîtresse, et se trouve désormais établi sur le grand chemin de Botany-Bay et des pontons.

« D’autres pépinières de crimes, qui n’existent pas, celles-là, dans tous les quartiers, mais qui se concentrent dans certains districts, tels que Saint-Giles, les bas quartiers de Westminster et les deux extrémités de White-Chapel, sont les logemens garnis tenus par des recéleurs. Il en est où l’on n’admet que des enfans ; cela se fait pour éviter que les hommes ne les dépouillent, et afin d’assurer aux logeurs une plus grande part du butin. Les femmes cependant ne sont pas exclues. Il serait plus exact de dire que l’on admet des jeunes filles de tout âge, depuis l’âge de dix ans (car les filles qui s’associent aux voleurs arrivent rarement à l’âge de femme), non pas pour leur propre compte, mais comme les maîtresses reconnues des enfans. On ne saurait décrire les scènes de débauche qui se passent dans ces antres, et, si on les décrivait, le public n’y croirait pas. »

Le témoignage de M. Wakefield concorde avec celui des magistrats et des officiers de police entendus dans les enquêtes parlementaires. « Tous les enfans, dit le chapelain de Newgate, M. Cottou, même dans l’âge le plus tendre, font profession d’entretenir, sur le produit de leurs vols, des filles qu’ils appellent flash-girls. B…, qui est un enfant de neuf ans, a, lui aussi, une personne qu’il appelle sa femme (hisgirl). — Dans des maisons particulières à Saint-Giles, et dans des maisons publiques à White-Chapel, dit M. V. Beaumont, les jeunes garçons et les jeunes filles passent la nuit dans un état complet de promiscuité. »

En voilà bien assez pour montrer que le nombre des jeunes délinquans à Londres n’est pas encore le caractère le plus saillant de