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sauve-garde, n’est plus un obstacle à l’action des malfaiteurs venus du continent. Jamais notre langue n’a été aussi répandue au dehors et jamais l’usage de la langue française n’a été aussi commun dans ce pays, surtout parmi les jeunes gens. Le goût du jeu et de la dissipation qui règne dans Londres, et que l’influence des étrangers corrompus, l’opulence du peuple et la grande masse du numéraire en circulation ont déjà bien augmenté, présente aux Français et au étrangers qui infestaient Paris sous l’ancien gouvernement un vaste champ pour exercer leur industrie. »

Depuis la paix, Paris est devenu plus brillant que jamais. Cette richesse mobilière, que Colqu’houn croyait anéantie, s’est multiplié jusqu’à éblouir les yeux et jusqu’à étonner l’imagination. La capitale de la France est aussi le théâtre de la mode, du luxe et des plaisirs. Elle attire, comme autrefois, les voyageurs opulens de toutes les contrées de l’Europe, et à leur suite ce cortége d’escrocs et d’intrigans qui viennent prendre part à la curée. Si nos malfaiteurs, mettant à profit l’universalité de la langue française, vont chercher parfois leur butin à Londres, à Bruxelles, à Berlin, la diffusion des langues étrangères en France ouvre par compensation notre territoire aux malfaiteurs de tous les pays. En veut-on la preuve ? Il suffit de parcourir les comptes de la justice criminelle, où l’on trouvera par exemple que, sur 15,624 individus arrêtés à Paris en 1840, 1,072 étaient étrangers à l’empire français.

Si Colqu’houn vivait encore, il serait forcé de reconnaître qu’en fait de crimes, en Angleterre, l’exportation égale tout au moins l’importation. Ce magistrat, qui ne savait comment expliquer la quantité des délits à une époque où les prisons de Londres recevaient annuellement quatre à cinq mille prévenus, se trouverait bien autrement embarrassé pour rendre compte des causes qui amènent aujourd’hui, dans cette seule ville, l’arrestation de soixante-quinze à quatre-vingt mille personnes par an. Quelle que puisse être d’ailleurs l’explication, il faut bien admettre, lorsqu’un désordre social se développe avec ce luxe de proportions, qu’il doit être un produit indigène et spontané. Il reste pourtant à l’évêque de Londres, ce grand ennemi de la danse, la consolation d’imputer à la contagion des idées et des mœurs françaises un scandale que le bon Colqu’houn, dans la naïveté de ses illusions patriotiques, regardait comme l’œuvre directe des bandits français.

Aucune agrégation d’hommes dans le monde connu, à l’exception peut-être de Liverpool, de Manchester et de Glasgow, ne com-