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l’éveil à ses agens. — Haggarty est condamnée à un mois d’emprisonnement, et Hanton à cinq jours. En France, ces jeunes filles auraient été renfermées, par ordre du tribunal, dans une maison de correction jusqu’à leur dix-septième année.

Nos journaux judiciaires nous ont souvent entretenus des prouesses de certains malfaiteurs qui exercent une pareille industrie. Ceux-là vont s’embusquer dans quelque allée obscure des Champs-Élysées ou au détour d’une rue peu fréquentée, et, lorsqu’ils rencontrent un passant bien mis, ils l’arrêtent, le menaçant de l’accuser, s’il hésite à leur ouvrir sa bourse, de leur avoir fait une infâme proposition. Mais que le même expédient soit pratiqué par de jeunes filles ; que celles-ci atteignent, malgré leur âge et malgré leur sexe, à cet excès d’audace, de cynisme et de dépravation, voilà ce qui confond l’intelligence ! voilà les prodiges, les signes de notre temps !

Les relations des prostituées à Londres avec les voleurs sont un fait général et qui souffre peu d’exceptions. On les rencontre par centaines attablés ensemble dans les cuisines des garnis ou dans les cabarets, à jouer aux cartes et aux dés. Ces femmes ont le secret des expéditions, elles en partagent quelquefois les périls et habituellement les profits. Il n’y a pas de maison de prostitution, dans la dernière classe et la plus nombreuse, à Londres, à Manchester, à Liverpool ni à Glasgow, qui ne soit aussi une caverne de brigands. Voici la méthode usitée en pareil cas. Une de ces femmes ignobles, et dont le seul aspect offense tous les sens, se met en quête d’une dupe. Quand elle pense l’avoir trouvée, comme ce malheureux n’aurait jamais le courage de suivre une telle créature ni de s’aventurer dans un tel lieu, elle le conduit d’abord dans la boutique de quelque débitant de liqueurs et l’enivre de gin. Le patient, ayant perdu l’aplomb de sa raison, devient plus facile ; on l’entraîne, à travers une multitude d’allées tortueuses, au fond d’une cour, et là, dans un affreux coupe-gorge d’où il ne sort que battu et dépouillé, souvent on le laisse pour mort et on le jette dans la rue. Tout récemment, la cour criminelle de Londres a condamné à la déportation quatre prostituées toutes âgées de dix-sept ans, qui avaient figuré comme acteurs ou comme complices dans un guet-apens de ce genre ; mais il n’est pas toujours facile de retrouver la trace des coupables à travers ces labyrinthes de Saint-Giles, dont les allées se ressemblent toutes, et où les cours n’ont pas de nom.

On le voit, la prostitution à Londres corrompt la femme sans réserve. En la dépouillant de sa pudeur, le vice ne lui laisse pas même