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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

quelque prononciamento de l’Espagne ou des républiques américaines. Les auteurs de la nouvelle ligue du bien public déclaraient s’insurger parce que la noblesse était abaissée et le pauvre peuple grevé, et, pour mettre le comble à l’impudence de leurs plaintes et l’ironie de leurs conseils, ils indiquaient comme l’un de leurs principaux griefs contre le gouvernement de la régente les prodigalités et profusions qui avaient été faites des finances du roi ! Enfin, selon la formule de tous les temps, ils réclamaient la convocation des états-généraux pour remédier aux griefs qui accablaient les fidèles sujets de sa majesté.

Marie, princesse médiocre par l’esprit et par le cœur, redoutait le péril autant qu’elle aimait l’agitation. Aussi perdit-elle d’abord courage à la vue de cette rébellion maîtresse des meilleures places de son royaume, et à laquelle elle n’avait à opposer que quelques milliers de soldats, sous des chefs d’une fidélité équivoque. Les nombreux mémoires du temps constatent qu’elle songea un instant à abdiquer une charge trop lourde pour sa faiblesse, et que les bruits populaires rendaient plus pénible encore pour la femme que pour la reine ; mais d’autres conseils prévalurent, et elle aima mieux se laisser vaincre sans combat que d’abdiquer un pouvoir dont on s’arrachait les lambeaux. Quelques-uns de ces hommes de transaction qui, sous le nom de politiques, avaient joué durant la ligue un rôle si important et parfois si utile, parvinrent à retarder encore une lutte armée que l’indifférence publique rendait d’ailleurs difficile. Marie usa une fois de plus des forces qui jusqu’alors ne lui avaient pas fait défaut. Toutes les demandes des coalisés furent accueillies, toutes leurs prétentions admises. Il fut sursis au mariage du roi jusqu’à sa majorité prochaine, et les états du royaume furent convoqués à Sens, puis à Paris pour le mois d’octobre 1614. Le prince de Condé obtint le fort château d’Amboise, et reçut quatre cent cinquante mille livres en espèces sonnantes. Le duc du Maine se fit adjuger 300,000 francs pour se marier, et la survivance du gouvernement de Paris. Le duc de Nevers eut Mézières avec la coadjutorerie de l’évêché d’Auch. MM. de Bouillon, de Longueville et de Rohan furent désintéressés par des procédés analogues. Le duc de Vendôme seul résista quelques instans, parce qu’en Bretagne une opinion puissante et nationale s’était chaleureusement associée à une cause dont elle espérait faire surgir l’indépendance de la province.

Le roi venait enfin d’atteindre sa quatorzième année, et les états-généraux furent réunis selon l’engagement pris à Sainte-Menehould