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REVUE. — CHRONIQUE.

Dans tous les cas, M. de Jancigny eût-il réellement outrepassé ses pouvoirs, ce qu’il n’a pas fait ; eût-il cédé au désir d’exagérer son importance en exagérant sa qualité, ce qu’il ne paraît pas avoir fait davantage, le sens politique le plus vulgaire, à défaut du plus simple sentiment des convenances, commandait à M. de Ratti-Menton de ne pas compromettre le nom français par une publicité scandaleuse qui ne pouvait qu’affaiblir le crédit et l’autorité du pays qu’il représente. M. de Jancigny a positivement refusé, et avec raison, d’admettre la singulière distinction que M. de Ratti-Menton prétend établir entre des agens sérieux et des agens non sérieux. M. de Jancigny est parti sur la corvette de l’état la Favorite, chargé d’une mission du ministère des affaires étrangères, et on ne saurait croire que M. Guizot, qui a eu de nombreuses conférences avec M. de Jancigny avant son départ, ne l’eût envoyé en Chine que pour faire un voyage d’agrément. M. de Jancigny parle les langues orientales ; il a fait un long séjour dans l’Inde ; les lecteurs de la Revue peuvent se souvenir de ses travaux sur l’extrême Orient, et ce fut, si nous ne nous trompons, cette série d’articles qui attira sur M. de Jancigny l’attention de M. le ministre des affaires étrangères. On a pu, à cette occasion, se livrer à certaines attaques contre le système des missions particulières ; pour nous, nous croyons que rien n’est plus aisé à justifier, en principe, que ces missions confiées à des hommes instruits, intelligens et capables. On se plaint souvent de l’ignorance où est tout le monde en France, à commencer par le gouvernement, de beaucoup des choses les plus importantes qui se passent dans les pays étrangers, et que n’ignorent pas d’autres gouvernemens que le nôtre. Ces plaintes ne sont malheureusement que trop justes. Il est bien certain que si en 1840, par exemple, nous avions eu en Syrie des agens moins officiels que des consuls, nous ne serions pas tombés dans les illusions que nous nous étions formées sur les forces de la jeune puissance égyptienne. Le gouvernement anglais en savait plus long que nous sur ce sujet, parce qu’il y a des Anglais partout, et qu’il y en avait dans le Liban. Sous ce rapport, les Anglais ont sur nous un incontestable avantage ; ils ont une aristocratie ils ont des oisifs, et des oisifs intelligens et entreprenans, qui voyagent sur tous les points du globe et rapportent dans leur pays le fruit de leurs observations. Voilà ce que nous n’avons pas, et voilà pourquoi il est de bonne politique au gouvernement de confier des missions particulières à des agens qui n’en sont pas moins sérieux pour cela.


Un ouvrage important, le Commentaire de Joseph Story sur la constitution fédérale des États-Unis d’Amérique, vient d’être traduit par M. Paul Odent[1]. Si la traduction du commentaire de Story eût paru immédiatement après la révolution de 1830, elle fût venue merveilleusement en aide à la curiosité de ceux qui voulaient connaître les institutions améri-

  1. vol. in-8o ; chez Joubert, rue des Grés, 14. 1843.