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trouvé être faux ; le jeune roi n’a pas encore de dynastie, et, selon toute apparence, n’en aura pas. Il ne faudrait donc pas une bien grande secousse pour achever la ruine de ce trône improvisé.

Dans tous les cas, le rôle de la France et de l’Angleterre est bien clairement tracé. C’est à elles surtout qu’il appartient de veiller sur la Grèce. Que la Russie se trouve au nombre des puissances protectrices, ce n’est qu’un accident diplomatique, un paradoxe. La Russie est l’ennemie naturelle, nécessaire, de la Grèce. Elle a en Orient une politique constante qu’il est facile de suivre dans la part qu’elle a toujours prise à l’émancipation successive des provinces slaves : c’est de créer autant que possible des principautés indépendantes, en ayant soin de les créer trop faibles pour qu’elles puissent se passer d’un protectorat. Ainsi a-t-elle fait pour la Servie, la Moldavie, la Valachie ; ainsi voudrait-elle faire pour la Grèce. Elle a un intérêt si évident, si forcé, à empêcher que la Grèce ne devienne un royaume fort, que les intérêts contraires de la France et de l’Angleterre en ressortent tout naturellement. Les deux grandes puissances constitutionnelles de l’Europe ne doivent pas oublier qu’elles sont autant les protectrices du peuple hellène que de la royauté qu’elles ont contribué à lui donner ; elles ont un intérêt commun, celui de soustraire la Grèce à l’influence de la Russie, et par conséquent elles doivent avoir un but commun, celui de développer et de fortifier la nationalité grecque.


Ce sont les affaires d’Irlande qui, en dernier lieu, ont absorbé l’intérêt du public. On s’en est occupé parmi nous presque autant que s’il se fût agi de la Vendée. Cette préoccupation a redoublé par suite de l’excursion qu’O’Connell a jugé à propos de faire sur le territoire français. Il faut le dire, sa campagne a eu peu de succès. Certes, s’il est un pays en Europe où les plaintes de l’Irlande aient toujours trouvé de l’écho, et où ses maux aient toujours rencontré de la sympathie, ce pays est la France ; mais enfin l’intérêt qu’inspirait à juste titre l’Irlande ne pouvait pas empêcher les gens sensés de voir et de dire qu’O’Connell dépassait le but, et poussait fatalement son pays à un acte de désespoir et de folie. Indè iræ. O’Connell a pris texte de quelques critiques de la presse française pour lancer les plus violentes et les plus ridicules diatribes contre la France, son gouvernement et ses institutions. Malheureusement pour lui, il s’y est pris de telle façon, qu’il a blessé tout le monde, et cela devait être, puisqu’il n’épargnait personne. Les insultes inqualifiables qu’il a adressées à la personne du roi ont été en général fort mal accueillies ; le parti radical, qui aurait pu lui en savoir gré, avait encore sur le cœur la manière très peu reconnaissante avec laquelle ses avances avaient été reçues ; il ne restait donc à O’Connell que la ressource du parti légitimiste. De ce côté, tout était le bien-venu : les attaques contre l’usurpateur et contre l’université impie, et l’offre burlesque d’une brigade irlandaise pour rétablir Henri V sur le trône de ses pères. Il est vrai que le panégy-