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les escadres ; il met un terme à ces anticipations sur les approvisionnemens qui finiraient par épuiser les réserves de nos magasins ; il fait face aux besoins urgens au moyen d’un crédit extraordinaire dont l’emploi devra être contrôlé à la première session, crédit affecté à l’établissement définitif des services transatlantiques, à l’expédition en Chine, à la station du Sénégal. Quant au surplus du déficit, espérons qu’il sera atténué avec le temps par ces modestes réformes qui tendent à utiliser toutes les ressources, à prévenir les abus dans le service personnel et le gaspillage dans l’administration. La condamnation des bâtimens trop détériorés pour être refondus avec avantage, la démolition de ceux qui sont laissés à flot, quoique depuis long-temps condamnés, le remplacement des magasins flottans par des magasins à terre, plus sûrs et moins dispendieux, la réduction des bâtimens affectés au service intérieur des ports, sont assurément des mesures de bonne économie. C’est encore une heureuse idée que celle d’employer autant que possible les navires de commerce aux communications et aux transports de l’état : ce serait du même coup fournir du travail à notre marine marchande, trop souvent désœuvrée, et bénéficier sur la suppression d’un grand nombre de ces bâtimens de charge dont l’utilité est loin d’être en rapport avec les frais qu’ils occasionnent.

Il va bientôt devenir urgent de remplacer les matériaux employés par anticipation, comme nous l’avons dit, pour remédier à l’insuffisance des fonds alloués par les chambres. La décroissance des approvisionnemens en bois de construction, signalée depuis plusieurs années par les commissions du budget, est alarmante. En 1820, avec une marine moins considérable qu’aujourd’hui, il existait dans les arsenaux 168,000 stères de bois de construction ; maintenant les inventaires n’en accusent plus que 111,111, et on assure que le quart, le tiers peut-être de cette réserve, est de mauvaise qualité, et impropre à l’usage auquel on la destine. La construction des bateaux à vapeur devant augmenter encore la consommation de ces matériaux, il faudrait moins de dix ans, si l’on n’y prenait garde, pour épuiser nos approvisionnemens. Cette pénurie, en cas de guerre, mettrait notre marine dans l’impuissance de réparer ses pertes ; elle nous livrerait à la discrétion des négocians étrangers, ou, ce qui est pis encore, à la merci de ces agioteurs qui ne sont d’aucun pays. Le nouveau ministre de la marine a sondé le mal pour en préparer le remède ; il médite, assure-t-on, un ensemble de mesures qui doivent relever, sur un pied respectable, notre approvisionnement de prévoyance. Il y aura lieu alors de rechercher si le mode actuel d’adjudications et de fournitures n’entraîne pas de graves abus. Nous nous promettons de revenir avec détails, lorsqu’il en sera temps, sur toutes les tentatives qui seront faites par M. de Mackau au profit de notre puissance maritime. Le premier devoir de la publicité n’est-il pas d’appeler l’attention sur les actes des hommes d’état bien intentionnés, afin qu’ils puisent, au besoin, les forces qui leur seraient nécessaires, dans la sympathie de ceux qui ont à cœur les intérêts du pays ?