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À la lumière de ces faits se dissipe cette ténébreuse politique de craintes, de méfiances et de rancunes dont on avait, je dirais presque enveloppé les cabinets allemands et italiens après la révolution de 1830. Les princes de ces états retrouvent aujourd’hui leur liberté d’esprit. Le vasselage vis-à-vis de l’Autriche pouvait leur être bon lorsqu’ils redoutaient les attaques de la France. Primo vivere. Aujourd’hui que ce vasselage ne serait qu’un abaissement sans but, nous sommes convaincus qu’ils songent à leur émancipation, et nous aimons à penser que le traité que nous venons de conclure avec la Sardaigne en est un symptôme. Ils peuvent aujourd’hui s’élever de la politique autrichienne à la politique européenne ; car il ne s’agit pas de changer de maître, de transporter à l’Angleterre et à la France l’influence qu’exerçait l’Autriche : ce qui leur importe, c’est d’être eux-mêmes, d’avoir leur libre action, de pouvoir sans crainte se décider dans chaque question, conformément aux intérêts de leur pays. Cette politique sera aussi nouvelle qu’elle est équitable et digne. Le gouvernement autrichien ne pourra point ne pas s’y résigner. Les populations italiennes s’attacheront d’autant plus à leurs gouvernemens, qu’elles les verront affranchis de l’étranger. Qu’on se persuade une fois qu’on ne peut aujourd’hui refuser impunément toute satisfaction aux sentimens moraux des peuples qu’on gouverne. Si on leur refuse la liberté, qu’on leur permette du moins de penser qu’ils obéissent à un gouvernement indépendant et digne.

La grande affaire des soufres de Sicile vient d’avoir un dénouement peu en rapport avec le bruit qu’elle a fait dans le monde. Les réclamations des négocians anglais qui se prétendaient lésés par l’établissement du monopole ont été examinées par un comité spécial, et l’indemnité qui leur était due a été fixée à cent trente mille ducats napolitains. C’est pour cette modique somme qu’on a failli allumer la guerre entre l’Angleterre et le royaume de Naples. Les négocians anglais n’ont pas borné là le calcul des bénéfices qu’ils espéraient tirer de cette affaire. Ils ont demandé que l’intérêt de leurs cent trente mille ducats fût fixé à six pour cent, prétendant qu’ils n’en seraient payés que dans plusieurs années. Le chevalier Ferri, ministre des finances du roi de Naples, leur a répondu en donnant l’ordre au chef du trésor de payer immédiatement la somme totale. Aussi le Times disait-il récemment que les Anglais qui ont eu affaire au gouvernement napolitain n’ont à se plaindre que d’avoir été payés trop tôt. Déjà ce même ministre avait donné, dans cette même affaire des soufres, un exemple plus frappant du bon état des finances napolitaines. La compagnie Taix, à laquelle a été allouée une somme de trois millions de ducats, insistait aussi pour que l’intérêt lui fût payé à six pour cent. Le chevalier Ferri a mieux aimé payer comptant ces trois millions de ducats, moitié la première année, moitié la seconde. De tels faits font honneur à l’administration du chevalier Ferri et au bon ordre que le roi Ferdinand a introduit dans les finances de son royaume.

L’Angleterre vient d’accomplir son œuvre avec la Chine, et cette œuvre est une grande chose. Voilà donc un immense empire, un marché de trois à quatre cents millions d’hommes ouvert sous des conditions très équitables au