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REVUE. — CHRONIQUE.

sible sans elle. L’abaissement des gouvernemens locaux rehaussait dans l’opinion des peuples la puissance autrichienne. Les hommes du Midi, avec leur vive imagination et leur amour des choses sensibles, résistent difficilement aux prestiges de la puissance, si elle sait se donner les apparences de la générosité et de la grandeur. L’Autriche pouvait préparer de grandes choses ; rien ne lui était plus facile : elle n’en fit rien. Sous les inspirations personnelles d’un monarque dont l’histoire dira un jour combien le cœur était dur, l’ame sans élévation et l’esprit étroit, l’administration autrichienne en Italie devint à son tour tracassière et violente. On vit un prince dont la bonhomie bourgeoise n’était sincère que pour ceux, peuples et individus, qui se prosternaient devant tous ses préjugés, se faire le geôlier impitoyable de l’élite de ses sujets. Les gouvernemens italiens gagnèrent ce jour-là leur procès. Tout le monde comprit en effet qu’il n’y avait rien à espérer de l’étranger, pas même une douce servitude, et qu’il fallait du moins pouvoir se consoler de l’absence de liberté par l’indépendance de son pays. Ajoutons, pour être justes, que d’ailleurs l’esprit de réforme a pénétré dans les administrations italiennes, en particulier à Naples, en Toscane, en Piémont. Le gouvernement pontifical est le seul qui n’ait pas suivi le mouvement général. Rome n’a pas su appliquer au gouvernement temporel cette habileté, cet esprit d’observation, cette prudence que nul ne lui refuse dans le gouvernement des choses de l’église. C’est là sans doute une des causes des troubles qui agitent incessamment les états du pape.

L’influence des évènemens de 1815 et de 1821 commençait à s’affaiblir. Les gouvernemens italiens éprouvaient quelques velléités d’indépendance. Si l’Autriche n’avait pas perdu de terrain, il est sûr du moins qu’elle n’en avait point gagné. Quinze ans s’étaient écoulés sans profit pour elle, lorsque le tocsin de la révolution de juillet serra de nouveau autour de l’Autriche tous les gouvernemens de l’Italie. Au-delà des Alpes et au-delà du Rhin, la haute police ne cherchait qu’à réveiller les anciennes méfiances contre la France, qu’on représentait comme voulant, à tout prix et sous tous les rapports, recommencer l’ère de 1792. On aura peine à croire un jour que ce ridicule épouvantail ait pu, pendant quelques années, servir de moyen efficace dans les combinaisons de la politique européenne. Aujourd’hui, sauf quelques incorrigibles badauds, tout le monde sait et reconnaît que la France n’a nulle envie de guerre et de conquête ; que, loin de songer à aucune agression, elle ne s’est occupée que de rendre impossible toute agression contre elle-même. Qu’on juge la politique française comme on voudra, nul ne peut nier qu’elle ne soit essentiellement pacifique, éloignée de tout empiétement, de toute violence, et toujours convaincue que l’habileté, l’équité et la patience peuvent résoudre par les voies de la paix les questions même les plus ardues et les plus compliquées. Les faits ont abondamment prouvé que ce ne sont pas là dans la bouche du gouvernement français de vaines paroles. Il a bien montré que rien ne pouvait le détourner des voies pacifiques, ni les tentations les plus irritantes ou les plus séduisantes, ni les plus amères critiques.